Il y a énormément de gimmicks dans le Metal, si vous cherchez du Death inspiré de Dune, vous allez trouver, comme le Death Flamenco ou le Black/Death sumérien salade/tomate/oignon, pas de souci, du Black Folk misanthropique végétarien néo-nazi, ça doit probablement exister aussi, il y en a pour tout le monde de nos jours, prenez ce duo anglais par exemple, Slugdge (le genre de nom que t'arriveras jamais à chercher sur Google puisque t'oublieras forcément un d ou un g), de véritables maniaques qui depuis cinq ans ont développé toute une mythologie et une philosophie autour des... limaces, ouais, des limaces, imaginez un Lovecraft obnubilé et fasciné par des limaces et vous obtenez les thèmes abordés par le duo anglais, gros gimmick délirant à la con penserez-vous, sauf que pas seulement, en dehors de son gimmick, Slugdge est avant tout un exceptionnel groupe de... machin qui mélange plein de trucs, du Death, du Sludge, du Prog, du Blackened Death, du Melodeath, et tout un tas d'autres choses, gimmick chelou et Blackened Sludge/Death, miam, ça fait déjà envie.
Après trois albums, sortis à un rythme effréné, particulièrement bien reçus de la part d'un cercle d'initiés toujours de plus en plus large album après album, Slugdge a fait une petite pause de trois ans, le temps de conclure sa période indépendante DIY et de réfléchir à la suite, en signant chez Willowtip, et suivi par sa petite armée de cultistes, d'enclencher la phase deux de leur plan diabolique de domination du monde, qui consistera ici à sortir de l'ombre, étendre ses influences et son rayonnement afin de toucher un public plus large sans pour autant renier quoi que ce soit, ce sera évidemment remarquable au niveau du son, la production marécageuse où le Death/Sludge du groupe pataugeait dans la bave de limace crasseuse est mise de côté, c'est un groupe désormais équipé d'une production moderne et clinquante mais jamais trop clinique qui se présente ici avec un quatrième album qui joue sur les forces du groupe tout en constituant une vraie évolution, et autant le dire tout de suite, Esoteric Malacology est de loin leur disque le plus abouti et le plus maîtrisé.
Esoteric Malacology sera également leur album le plus aventureux et ambitieux à ce jour, le plus complexe, le plus progressif, où l'on notera que le duo à fait un pas de géant dans le songwritting, avec un niveau technique également en hausse dans son exécution, bien entendu, comme on peut s'y attendre avec ce genre de groupe, ça va brasser des tonnes et des tonnes d'influences, par exemple War Squids, le titre d'ouverture, sera particulièrement imprégné d'Akercocke, avec son gros riff punitif typé Blackened Death mélodique, le morceau s'articulera ensuite entre des variations mid-tempo très lourdes et atmosphériques avec des chœurs en l'honneur du dieu-limace, Slugdge parviendra à développer d'excellentes ambiances souvent emphatiques, un premier titre rutilant où Slugdge montre ses muscles et ses aspirations Black/Death, et c'est donc tout naturellement que le second morceau Crop Killer s'ouvrira sur une basse galopante que l'on trouve généralement dans le Modern Prog Tech-Djent, le riff principal est gras, lourd, proche du Deathcore finalement, moins frénétique que le morceau précédent, c'est une tout autre approche que va employer Slugdge, plus Meshuggesque, tout en bottant le cul de toute une partie de la scène Modern/Prog, ce n'est que le deuxième titre et le niveau est vraiment hallucinant, spoiler alert, il ne baissera pas par la suite.
Il est assez simple de décrire un morceau comme The Spectral Burrows, on a affaire au meilleur morceau de Mastodon depuis plus de dix ans, une espèce de Sludge/Prog de haute volée qui serait contaminé par des spasmes de Tech-Death, le chant clair est d'ailleurs exceptionnel et il faut saluer la performance en tout point remarquable du diaboliquement versatile Matt Moss, dont le chant clair sera encore mis à contribution sur un Slave Goo World qui semble être un mix bizarre d'Hypocrisy, de Mastodon et d'Anaal Nathrakh, chez n'importe quel autre groupe ça sonnerait comme de la merde, chez Slugdge, c'est un monstre de fluidité et de puissance, une démonstration de force qui n'oublie pas son sens de la mélodie ni quelques bifurcations et changements de rythme bien sentis.
Putrid Fairytale sera un morceau de Prog/Death tout simplement colossal, une machinerie implacable qui emprunte également à Gojira quelques intonations, notamment sur les parties les plus mid-tempo et ambiancées, et quand il s'agit de ralentir le rythme et d’œuvrer pleinement dans les atmosphères sludge, le duo anglais saura répondre présent avec un certain à-propos, le monstrueux build-up Salt Thrower développera un excellent Doom psychédélique qui prendra de la vitesse dans une seconde moitié particulièrement ravageuse, Slugdge ira même plus loin sur un dernier morceau fascinant de noirceur qui prendra parfois quelques contours SF, Slugdge n'oubliera pas non plus de mettre quelques bonnes accélérations Melodeath dans la gueule pour un ensemble qui pourrait rappeler Quest of Aidance, en plus développé évidemment, avec des chœurs qui apporteront une certaine profondeur et une émotion particulière à l'ensemble.
Bon, les enfants, on a affaire à une sacré baffe dans la gueule avec Esoteric Malacology, désormais équipé d'une production moderne et enfin audible (même si je suis sûr que certain regretteront le son fétide des premiers albums), Slugdge vient de balancer l'un des disques les plus impressionnants de l'année, un mélange surpuissant de Blackened Melodeath et de Sludge progressif, à la fois grandiose, intimidant, complexe, frénétique, versatile, intense, difficile de trouver quelque chose à redire tant Esoteric Malacology pue le talent et la classe à des kilomètres à la ronde, c'est une tuerie de Metal moderne, et déjà un sérieux candidat au titre d'album de l'année, ni plus ni moins, et comme c'est un coup de cœur, rien à branler je dégaine la note maximale, deal with it.
Hail Mollusca!!!