La carrière de Possessed peut se résumer à un seul disque, Seven Churches, classique intemporel ayant influencé toute la scène Death Metal et aidé à le définir en tant que genre à part entière, peu de groupes peuvent se vanter d'être autant cité dans la catégorie influences de la plupart des groupes de Metal extrême des années 80/90, et pourtant, la carrière de Possessed n'a jamais explosé et malgré son statut culte, le groupe se sépara en 1987 après un second album Beyond the Gates qui était juste un poil moins bon que son définitif et encombrant aîné et un EP plutôt cool, le guitariste Larry LaLonde rejoignait Primus alors que Jeff Becerra recevait une balle qui le laissa dans un fauteuil roulant, ce qui n'allait pas empêcher ce dernier de continuer malgré tout avec une toute nouvelle version de Possessed où il est le seul membre originel restant, un Possessed qui sort aujourd'hui, et plus de trente ans après, son troisième album, qui est exactement conforme à ce que l'on pouvait attendre du projet vu les personnes impliquées aujourd'hui dedans.
Jeff Becerra s'est s'entourer, il a trouvé deux bons guitaristes pour l'épauler et l'aider à reproduire le son typique de Possessed cuvée 1985, Claudeous Creamer a longtemps traîné chez Dragonlord, et Daniel Gonzalez vient du groupe Gruesome qui est purement et simplement une copie de Death, ce qui en fait un maître-copiste tout à fait qualifié pour émuler le Possessed de l'époque, autant dire que ça va envoyer du riff de boucher et une tonne de leads sur des morceaux in your face sans aucune subtilité, avec évidemment toutes les limites de ce genre d'entreprise, Revelations of Oblivion jouant a fond sur la fibre nostalgique et le old school sans aucune volonté de proposer quoi que ce soit de neuf si ce n'est une grosse production puissante et rutilante.
Un album où étrangement la vedette n'est pas forcément Jeff Becerra, car même si c'est un élément important et distinctif du son originel de Possessed, avec un growl toujours aussi particulier qui ne ressemble à personne d'autre, c'est bien le duo de guitariste qui va faire fonctionner la plupart des morceaux de Revelations of Oblivion, les deux livrant des prestations extrêmement agressives et techniques qui apportent une réelle plus-value à des morceaux aux structures souvent simplistes, mais bon, c'est du Possessed, c'est pas le groupe le plus subtil de la place hein, si vous voulez du bourrin et du Death thrashy passéiste qui défouraille sans jamais s'arrêter cet album est fait pour vous.
Bien sûr, on ne saura jamais ce qu'aurait pu donner un troisième album de Possessed avec LaLonde, il faut faire une croix là-dessus et se contenter de cette version de Possessed de Becerra qui reprend exactement là où l'histoire s'était arrêtée, et après l'intro horrifico-symphonique bien cliché, No More Room in Hell va immédiatement fournir ce que le fan était venu chercher sans aucuns préliminaires, c'est direct, avec un caractère bas-de-plafond complètement assumé et un Becerra qui hurle ses lyrics sataniques daubés avec une conviction inégalable et une rage intacte malgré les années qui sont passées, du pur bourrin qui rentre dans le lard où la section rythmique s'avère intraitable et donc un duo de guitariste qui a le chant libre pour envoyer des tonnes et des tonnes de plomb dans la gueule.
Sans surprise, la suite sera du même tonneau, Dominion introduira quelques petites références pas désagréables à Slayer tout en plongeant davantage dans le Death pur et dur, Possessed va balancer torgnoles sur torgnoles avec une redoutable efficacité, des tueries comme Damned, Shadowcult, et surtout un Ritual qui est le très très gros titre du disque, celui qui parvient le plus à recapturer, temporairement, toute l'essence et l'esprit du Possessed de 1985, de très loin le meilleur morceau d'une galette malheureusement trop longue et remplie jusqu'à la gueule avec certains morceaux quelconques où toute l’énergie déployée par le groupe ne parviendra pas à masquer l'indigence du propos.
Ce n'est pas faire injure à Possessed, mais certains morceaux défouraillent dans le vide avec une redoutable vacuité, Graven est clairement une daube poussive pas des plus inspirées avec ses paroles risibles, Omen est foutrement trop long et propose globalement du matériel pour trois minutes, pas de bol, le titre dépasse largement les six minutes et ça va salement tourner en rond, l'autre truc qui impacte négativement cet album, c'est qu'il utilise toujours les mêmes structures et les mêmes ambiances génériques, la dimension frontale de ce Possessed devient très lassante écoute après écoute, il est dommage que malgré toutes les caractéristiques exhumées du Possessed classique la concision ait été laissée de côté, Revelations of Oblivion aurait été bien plus impactant en une quarantaine de minutes resserrées sur les meilleurs morceaux, on aurait évité le remplissage et l'effet bourrinage sans subtilité qui s'avère usant à la longue.
Malgré tout, Revelations of Oblivion est une très plaisante surprise, et même si Possessed ne parvient pas du tout à récréer la magie de son premier album (ce qui était une tâche impossible et personne ne s'y attendait), il s'en approche suffisamment pour faire illusion le temps d'un disque.
C'est pas du génie, c'est pas du tout subtil, mais comme ça défouraille de manière foutrement punitive la plupart du temps ça plaira forcement aux fans, bien sûr Possessed évolue dans toutes ses limites et ne cherchera jamais à proposer autre chose, c'est de loin le moins mauvais disque dont était capable ce Possessed version 2019 où Becerra et ses intérimaires tentent d'émuler le son originel, c'est efficace, certes, solide, violent, mais aussi très limité et usant de formules faciles, bref, un très bon disque de vieux Death de tâcheron, tout va comme sur des roulettes pour Jeff Becerra.
Track Listing:
1. Chant of Oblivion 01:53
2. No More Room in Hell 04:32
3. Dominion 04:25
4. Damned 05:00
5. Demon 05:16
6. Abandoned 05:20
7. Shadowcult 04:43
8. Omen 06:41
9. Ritual 04:47
10. The Word 05:09
11. Graven 04:19
12. Temple of Samael 01:49