Il y a peu de groupes qui sonnent comme Týr, en fait il n'y en a aucun, ce qui est étrange vu le caractère très balisé de sa musique, un melting-pot où s'entrecroisent le Folk, le Power Metal, les relents Thrash, les hymnes guerriers, au sein d'un enrobage progressif, les ingrédients sont plutôt convenus, mais malgré tout, Týr a toujours su créer un truc qui n'appartenait qu'à lui, un son unique, inimitable, dont eux seuls ont la recette, une recette qu'on avait presque oublié parce que ce nouvel album met fin à une longue période de silence radio puisque six ans séparent le brillant Valkyrja de cette nouvelle offrande du porte-étendard du Metal des Îles Féroé.
Y'a du poil et des cheveux longs, et désormais des hongrois, puisque Týr est devenu 50% magyar suite à l'incorporation du batteur Tadeusz Rieckmann et du guitariste Attila Vörös, un nom qui sonnera familier à l'oreille des fans de Nevermore puisqu'il avait dépanné en live sur la fin du groupe, mais rassurez-vous, malgré les changements, l'ADN de Týr demeure intact et Hel sera, sans trop de surprise, une nouvelle réussite de la part des féroïens, ouais, Týr a encore réussi à nous pondre une collection de morceaux virils et fun dans son genre très particulier, avec la versatilité qu'on lui connait, dommage cependant qu'un des défauts récurrents de Týr n'ait pas encore été corrigé, ce huitième album souffrira quelque peu d'une longueur une nouvelle fois excessive.
Cela n'empêchera pas l'album de débuter pied au plancher par un titre plutôt curieux et couillu, Gates of Hel est une espèce de rejeton bâtard issu de l'accouplement entre le Death mélodique d'Amon Amarth et le Power Folk, c'est assez étrange au premier abord, mais putain que c'est catchy avec son refrain simple et imparable, la structure est certes assez prévisible avec son traditionnel passage où s'entremêlent tout un tas de leads extravagantes, mais ça le fait, avec déjà le problème de la longueur qui fait son apparition, le morceau approche des sept minutes sans aucune raison particulière tant il ne fait que répéter quelques fois de trop les même motifs, ce morceau aurait été parfait s'il avait été plus proche des cinq minutes, on a juste deux minutes de trop plus encombrantes qu'autre chose, il sera aussi frustrant que l'idée du growl n'ait pas été plus développé par la suite, dommage.
En terme de longueur, All Heroes Fall utilise admirablement bien le format cinq minutes chrono sans flancher une seule seconde dans un Metal viking sans détour assez proche de ce que peut réaliser un Falconer, un hymne viril et épique doté de superbes leads et de moments mélancoliques, et sur ce dernier point, Ragnars kvæði vaudra le détour avec un Heavy Folk chargé d'atmosphères et d'arrangements où le chant toujours aussi reconnaissable d'Heri Joensen fera des merveilles, il faut dire que la première moitié de l'album contiendra les meilleurs cartouches des féroïens, Sunset Shore par exemple, emprunte pas mal du côté du Black progressif de chez Borknagar ou Vintersorg pour former un ensemble à la fois massif et particulièrement aéré, et que dire de Garmr, peut-être la plus belle tuerie du lot, direct, racé, puissant, rempli de détails et super varié, Empires of the North sera lui un long voyage épique plein d'emphase et de lyrisme, Týr ajoute d'ailleurs pas mal d'éléments plus surprenant, car au références thrashy vient s'ajouter un riffing aux inclinaisons prog moderne qui contraste avec le chant viking utilisé.
Même quand je vous disais que les meilleurs titres étaient dans la première moitié, il y a énormément de bonnes choses par la suite, le problème viendra que des morceaux comme King of Time, Fire and Flame ou encore Songs of War sont des morceaux corrects, efficaces, mais qui ont du mal à dépasser le cadre de l'anecdotique, on retiendra davantage les délires folks exubérants et foutrement fun d'un Far from the Worries of the World ou le caractère diaboliquement Heavy d'un Against the Gods où le Power/Folk se retrouve parfois confronté à un mélange de Thrash et de Death, Álvur kongur ne sera pas en reste et rappellera évidemment le grand Ensiferum de la belle époque pour un final en beauté sur un hymne ambitieux et chargé d'emphase.
Alors ouais, ok, soixante-dix minutes c'est carrément excessif et entre les morceaux qui traînent un peu en longueur sans raison et les quelques fillers anecdotiques on pourra reprocher à Týr de n'avoir pas réussi à élaguer suffisamment, mais le reste est tellement bon, et parfois carrément brillant, qu'on leur pardonnera sans peine cet excès de générosité.
Hel ne réinvente pas grand chose dans le cadre de la discographie de Týr, mais réaffirme avec classe et talent la place des féroïens au panthéon du Power Folk progressif, avec son identité inimitable, sa variété au niveau du chant et de toutes les influences explorées, son caractère fun malgré tout le sérieux du propos, c'est du bien bel ouvrage ma bonne dame.