En trois décennies et malgré très peu d'albums quand on regarde bien la discographie, Orphaned Land s'est hissé au sommet de la hiérarchie du Couscous Metal™, ce genre mêlant Metal et sonorités Folk orientales qui dans le cas des israéliens a pris des contours progressifs et n'a cessé d'évoluer d'album en album, leader d'un genre qu'il a lui même contribuer à créer et à façonner, une évolution qui a suivie la volonté du groupe de créer la musique la plus universelle possible à même de propager son message utopiste de paix et d'unité entre les peuples, All is One en 2013 répondait à cet impératif d'universalité, une orientation accessible, commerciale bien sûr, sans que cela soit un mal dans ce cas précis, qui a permis le groupe de grandir et de se développer encore et de s'établir comme la référence du Prog saveur orientale, cinq ans plus tard Orphaned Land est de retour, bien décidé à prouver qu'il peut survivre au départ de son guitariste fondateur Yossi Sassi...
Après Matti Svatizky, c'est donc Yossi Sassi qui s'est barré, si le groupe perd un membre fondateur à chaque album, il ne va bientôt plus rester grand monde autour du chanteur Kobi Fahri, qui semble être toujours dans son délire de leader à la figure christique de la religion Orphaned Land, mais bref, la perte de Yossi Sassi est réellement problématique tant le guitariste était important dans l'élaboration du son du groupe et dans le processus de composition, et donc, sans aucune surprise, c'est exactement au niveau des riffs et des structures des morceaux que le groupe va quelque peu faillir tout au long de Unsung Prophets & Dead Messiahs, qui est, entendons-nous bien là-dessus, un bon petit disque, seulement voilà, il n'est pas forcément un très grand disque, on pourrait le résumer ainsi, c'est beau mais c'est chiant.
Unsung Prophets & Dead Messiahs va souffrir de l'incapacité du groupe à se surpasser et à se sublimer comme il l'avait fait à presque chaque album par le passé, c'est un peu comme si Orphaned Land était arrivé au bout de son évolution et qu'il plafonnait désormais, prisonnier de tous les codes qu'il a créé au fil des années, des codes qu'il répète inlassablement, comme il le fait avec ses structures et ses motifs sonores, Orphaned Land apparaît ici comme un groupe qui sait très bien où il est arrivé, et qui ne fera rien qui risquerait de le faire redescendre, c'est une espèce de stratégie de l'immobilisme, qui consiste avec ce nouvel album à conserver la simplicité et l'immédiateté du lumineux All is One, diluées dans des structures progressives de ORwarriOR, Kobi Farhi a beau nous dire que le growl est de retour (ce qui n'est pas tout à fait vrai), jamais le groupe ne reviendra à l'obscurité de Mabool ou aux sonorités Death, Unsung Prophets & Dead Messiahs est une sorte de synthèse facile de ce que fait Orphaned Land depuis une grosse dizaine d'années, l’accessibilité en plus.
Unsung Prophets & Dead Messiahs sera un album partagé entre des moments de pure brillance et d'autres plombés par une banalité abyssale et une avalanche de gimmicks orchestraux prétentieux, ce à quoi il faut ajouter la baisse du niveau général des riffs et des leads, car globalement, ce disque manque de punch, de groove, de feeling, ce qu'apportait Yossi Sassi en fait, les leads de cet album étant en pilotage automatique et aucun solo ne retiendra vraiment l'attention, ce ne sont d'ailleurs que des passages obligés faisant partis du cahier des charges, il y a quand même eu une évolution, un truc un peu nouveau, c'est qu'à ses thèmes sur les mythes religieux, Farhi a ajouté une bonne louche de philosophie et de thèmes sociétaux modernes, cool, comme ça se sera encore plus incompréhensible qu'avant...
Tout ça n'empêche pas que The Cave (ouais, celle de Platon), premier titre de la galette, est un pur moment de brillance pour ce qui doit bien être l'un des meilleurs morceaux qu'a jamais composé le groupe, sorte de titre-somme qui navigue dans toute l'histoire du groupe, massif, gavé d'orchestration mais sans jamais trop en faire, revenant même à des sonorités plus dures par moment avec le recours à un bon petit growl audible, même si bien évidemment, c'est le chant clair de Fahri qui sera privilégié, apportant un haut degré d'émotion et de mélancolie à un titre particulièrement versatile qui éclabousse de classe et de panache, We do not Resist enchaînera directement avec un punch imparable, pour un morceau concis et particulièrement efficace, au rayon des morceaux qui marchent bien, le single Like Orpheus va s'avérer plutôt irrésistible, bien sûr c'est le single facile à retenir à la Orphaned Land, il y en a toujours au moins un par album, et celui-ci touche sa cible, que ce soit pour le message véhiculé, son caractère lumineux, et la présence en guest d'Hansi Kürsch de Blind Guardian et de sa voix particulière et reconnaissable qui se même assez bien au titre.
Ce que l'on remarque dans tout ça, c'est le caractère ultra accessible de l'ensemble, c'est propre, c'est policé à mort, y'a rien qui dépasse, il n'y a aucune aspérité dans le son, c'est complètement lisse... et chiant, car Unsung Prophets & Dead Messiahs, avec ses riffs qui ne servent que d'accompagnement et ses orchestrations massives et cliniques mêlées à une overdose de chorale, est un disque irrémédiablement plat, qui s'enferme dans énormément de facilités d’écriture et pas mal de pilotage automatique, avec des morceaux quelconques comme In Propaganda, All Knowing Eye, ou Left Behind, qui se laissent écouter passivement, mais qui n'apportent rien, ils ont au moins le mérite d'être courts, ce qui n'est pas le cas d'un Chains Fall to Gravity qui traîne plus de neuf minutes de platitudes et de Folk orchestral, putain, c'est le même groupe qui a fait Mabool ou ORwarriOR? on peut en douter à l'écoute de ce pavé chiant à crever qui ne dégage aucune émotion, My Brother's Keeper et Take My Hand seront de purs titres de remplissage, Yedidi le traditionnel morceau Folk qui pue le couscous et la circoncision au silex dans le désert, et on aura même le droit à des velléités extrêmes avec un Only the Dead Have Seen the End of the War où le légendaire Tomas Lindberg viendra servir de caution extrême sur un morceau à la violence surfaite et dramatiquement forcées.
Je suis quand même un gros fanboy d'Orphaned Land depuis le début, et ça me fait franchement chier d'écrire ça, mais Unsung Prophets & Dead Messiahs est une sacré déception, il y a bien quelques fulgurances géniales et quelques passages chargés d'une émotion qui vous prend aux tripes, mais dans l'ensemble, on s'emmerde sérieusement pendant une grosse heure de Couscous Metal progressif plat et incroyablement superficiel, où Orphaned Land se contente de bricoler avec ses gimmicks sonores habituels sans jamais chercher à aller au-delà.
Unsung Prophets & Dead Messiahs manque de magie, d'émotion, ce n'est qu'un produit de musiciens compétents qui nous servent un album en forme de rétrospective et d'auto-recyclage qui n'a finalement que très peu d'intérêt, peut-être le premier album du groupe qui n'a pas de personnalité propre, les riffs sont ennuyeux, Farhi fait son show habituel, et les orchestrations pompeuses sont carrément surfaites et diablement répétitives, le groupe en faisant d'ailleurs des tonnes comme pour masquer l'indigence de ses structures et de son Metal, la première grosse déception de l'année.
Track Listing:
1. The Cave 08:10
2. We Do Not Resist 03:24
3. In Propaganda 03:33
4. All Knowing Eye 04:28
5. Yedidi 02:33
6. Chains Fall to Gravity 09:29
7. Like Orpheus 04:34
8. Poets of Prophetic Messianism 02:56
9. Left Behind 03:11
10. My Brother's Keeper 04:42
11. Take My Hand 06:03
12. Only the Dead Have Seen the End of the War 05:43
13. The Manifest - Epilogue 04:45