Mr Vermin Lord n'a pas de temps à perdre, Teo Acosta de son vrai nom a déboulé sur la scène Black américaine l'été dernier avec sa première démo sous le bras sortie en indépendant, une démo suffisamment solide pour lui permettre de se faire une petite réputation dans le milieu, bien sûr le gars est tout seul, comme c'est souvent le cas dans le Black underground, et se débrouille sans l'aide de personne pour sortir sa musique, et donc ce tout premier EP qui vient tout juste de voir le jour armé de sa putain de pochette qui déchire sa race et qui attire l'oeil immédiatement par sa bizarrerie, qui est en fait une oeuvre du peintre franco-allemand du XIXè siècle August Friedrich Schenck, le tableau s'appellant Anguish, l'ami Acosta n'est pas allé cherché bien loin le nom de son EP, et ça tombe bien, cette angoisse, vous allez surement la ressentir si vous écoutez le bouzin, mais puisque vous êtes là à lire cette petite chronique, je ne vois pas pourquoi vous ne le feriez pas.
Angoissant donc, car c'est marrant, une bonne part des one-man band du black a une propension certaine à farfouiller du côté de l'atmosphérique, Verminlord ne fera pas exception pour nous proposer sa propre vision de l'art noir, un Black à l'ancienne, rugueux et raw, mais étrangement pas si orthodoxe que l'on pourrait le croire au premier abord, car Verminlord va mettre sa petite touche personnelle dans un ensemble finalement très codifié, ce qui fera bien évidemment la différence, et rendre cet EP particulièrement fascinant.
Anxiété, rage, angoisse, dépression, sont des mots qui viennent assez bien pour décrire la musique de Verminlord, mais aussi sincérité, car Acosta ne va pas se cacher derrière des artifices et se présenter ici avec toutes ses faiblesses, en tant qu'homme mais aussi en tant que musicien, Anguish n'est pas parfait, que ce soit au niveau de la production ou des compositions, il y aura sur chacun des titres des imperfections, des fêlures, comme si chaque morceau avait été composé et enregistré dans une certaine urgence, et surtout un certain état d'esprit bien particulier, où l'on imagine que les morceaux sont chacun représentatif de l'artiste entre périodes de frustration, de rage ou encore de dépression, Anguish est une oeuvre toute personnelle, presque introspective.
De ce fait, la musique de Verminlord sera bien brute de décoffrage, sans bidouillages en studio, les riffs seront granuleux à souhait, grésillant, les tremolos particulièrement sauvages, les mélodies vicieuses, et il y aura surtout ce chant, dégueulasse, malsain, brut, naturel, écorché à mort, qui est sûrement ce qu'il y a de plus clivant sur l'album, un chant rebutant qui met mal à l'aise au début, mais qui petit à petit va devenir plus naturel sans forcément se faire plus confortable, ce n'est d'ailleurs pas le seul type de chant utilisé, comme déjà sur sa première démo, Verminlord utilisera un chant clair plutôt incantatoire et déprimant qu'il a probablement travaillé entre temps, Her Divine Embrace sera une vraie réussite grâce à ça, le morceau d'abord plutôt violent et basique va prendre une toute autre tournure quand Acosta plongera la tête la première dans l'atmosphérique à couper au couteau.
Verminlord ne va jamais faire totalement dans la violence, c'est même le contraire, la violence est certes présente par moment, par d'intenses éruptions de rage, mais Acosta va finement jouer avec les tempos sur les cinq titres de la galette, Antediluvian Familiar sera très heavy, lancinant et répétitif, surtout son gros riff principal doublé par un brouillard de trémolo, lorgnant parfois sur le Black Folk guerrier, et que ce soit le sépulcral Poisoned by Anguish ou le cauchemar hallucinatoire torturé représenté par Guilt Of The Ancient Founders, chaque morceau sera clairement différent du précédent, mais les titres garderont constamment la même force de frappe, viscérale et émotionnelle, Anguish est d'ailleurs admirablement bien produit, c'est raw et ça grésille de partout, évidemment, mais le son est surtout très clair, pas trop compressé, ce qui lui confère un certain dynamisme plus qu'appréciable dans ce genre de musique, The Gate Has Reopened, Kneel My Children aura par exemple des moments cristallins qui contrebalancent parfaitement la laideur générale qui se dégage d'un titre tortueux et plutôt dérangé.
Comme tous les bons EP, Anguish à ce délicieux goût de trop peu, on en reprendrait bien une petite louche, cinq morceaux et une grosse vingtaine de minutes plus tard c'est déjà fini, et j'espère bien que l'on aura pas trop longtemps à attendre avant une nouvelle livraison.
En attendant, pour un premier EP, Verminlord dégage quelque chose de captivant, avec son Black rustique, viscéral, qui a aussi son petit côté poignant et sincère, Anguish est une oeuvre imparfaite qui ne s'en cache pas et c'est tout à l'honneur de son géniteur, un disque artisanal plutôt rafraîchissant qui nous rappelle que le Black est avant tout un art total et égoïste.
Anguish est disponible uniquement en digital sur bandcamp en name your price.