vendredi 5 décembre 2014

[Chronique] Primordial - Where Greater Men Have Fallen

La grande question qui se pose à chaque nouvel album de Primordial, est de savoir si un jour les irlandais sortiront un mauvais disque, car difficile de trouver plus consistant dans le Metal actuel que la horde emmenée par Alan Averill, surtout depuis 2007 et la sortie de l'immense monument To the Nameless Dead.
L'appréhension est d'autant plus légitime que, soyons sérieux, il est très peu probable que Primordial atteigne à nouveau un tel niveau de qualité, mais fort heureusement, surement conscient de cet état de fait, les irlandais ont, depuis 2007, choisi de rester dans la même veine que To the Nameless Dead, ce qui nous a donné un Redemption at the Puritan's Hand particulièrement bon, mais également un peu en dessous de son illustre prédécesseur, comme quoi il est difficile d'enchaîner après un chef-d'oeuvre, désormais, chaque nouvel album de Primordial sera comparé à To the Nameless Dead, c'est dommage et quelque peu réducteur, mais c'est ainsi.
Heureusement, Primordial est un groupe talentueux et plutôt malin, du genre à poursuivre sur la même voie, mais en apportant quelques petits changements mineurs à leur musique, pas grand chose, certes, mais juste ce qu'il faut pour que chaque nouvel album se suffise à lui même sans que l'on soit trop tenté de le comparer avec son encombrant aîné.
C'est précisément ce que fait Where Greater Men Have Fallen, déjà le huitième album mine de rien, perpétuer la légende, œuvrer dans un style très caractéristique, sans forcément faire dans la simple redite, en parvenant à donner à ce nouveau disque une personnalité propre, et à ce petit jeu-là, de plus grands hommes sont tombés là où Primordial parvient à maintenir un niveau de qualité largement supérieur à la concurrence...

Where Greater Men Have Fallen permet de répondre à une question primordiale chez Primordial.
Peut-on encore y apposer l'étiquette Black Metal?
Non.
Mais l'abandon progressif du Black chez Primordial n'est pas vraiment une nouveauté, c'est le cheminement du groupe qui veut ça, et cela rapproche le groupe encore davantage de la transition ayant été opérée chez Bathory, même si c'est moins drastique chez les irlandais, Imrama contenant déjà énormément d'éléments Folk païen dans son Black, Primordial est désormais pleinement une entité Folk Metal celtique, toute la subtilité de la chose résidant dans le fait que ce changement se soit opéré sans que cela ne modifie la personnalité du groupe, une évolution naturelle et en douceur, construite tout au long de leur discographie.
Where Greater Men Have Fallen est par ailleurs un album presque minimaliste dans le sens où la musique de Primordial apparaît plus épurée que jamais, sans artifices, presque à nue, les éléments Folk étant assez réduit, les irlandais vont énormément jouer sur les leads et les rythmes pour offrir une emphase conséquente à leur musique, avec bien sûr le chant toujours aussi phénoménal de son vocaliste.
On pourrait presque se demander si la petite escapade d'Alan Averill au sein du projet récréatif Twilight of the Gods n'a pas joué un peu dans l'orientation plus Heavy adoptée ici par Primordial, une musique plus simple, plus martiale, peut-être plus influencée par le Heavy Metal à l'ancienne, ce qui fait que malgré l'abandon du Black surement définitive, Where Greater Men Have Fallen est peut-être l'un des album les plus Heavy du groupe, pas le plus violent, mais le plus appuyé, où la lourdeur des riffs et le caractère implacable de la batterie lui confèrent une dimension menaçante, d'ailleurs le titre éponyme qui ouvre l'album ne laisse aucun doute sur ce point là, car après une intro Heavy/Doom croustillante, Primordial va nous emmener dans un long morceau martial et emphatique, à l'atmosphère épique du début à la fin, un énorme mid-tempo qui rappelle quelque peu ce que faisait par moment Immortal période Sons of Northern Darkness, avec une différence majeure évidemment, le chant poignant et chargé d'émotion d'Alan Averill, qui n'a pas franchement besoin de growl ou de hurlement pour varier son chant, son chant clair étant toujours largement au dessus du lot, un chant d'ailleurs pas évident à décrire, disons pour simplifier un Eric Adams en encore plus rageur œuvrant dans les mélodies celtiques mystérieuses et guerrières.
Même avec ce petit côté minimaliste, ce n'est pas pour autant que Primordial oublie en cours de route l'émotion et sa dimension atmosphérique, mieux encore, elle s'en retrouve décuplée, pourtant, la musique est simple, Primordial a une idée par morceau qu'il va s'employer à développer au cours de morceaux de six minutes et plus, mais Averill a la bonne idée de parfois se mettre en retrait afin de laisser s'exprimer ses collègues, ça n'a l'air de rien, mais ça permet à Primordial de jouer sur la nuance et d'augmenter l'impact de certaines interventions d'Averill, comme ce final grandiose tout en émotion et en puissance de Come the Flood, où le chant passionné se mêle aux leads et à la guitare acoustique.
Bien sûr, Primordial demeure le maître du mid-tempo épique, mais cela ne va pas empêcher le groupe de nous offrir un petit retour au Black Metal avec un The Seed of Tyrants particulièrement rageur et incisif où le chant se fait un poil plus criard, le morceau le plus direct et brutal du disque, Averill nous ressortira même un peu de growl à l'ancienne avec un The alchemist's Head tourmenté et très sombre, menaçant et à l'atmosphère poisseuse, malheureusement pas le titre le plus faible de l'album, où il n'y a pas vraiment de tension, sans vraiment d'émotion, et le morceau apparaît un peu hors de propos ici.
De l'émotion, il y en aura davantage avec un morceau comme Babel's Tower, un hymne funèbre très lourd aux forts relents de Heavy Doom avec une basse omniprésente, mais au riff introductif un peu trop familier (Sors de ce corps Mayhem!), Born to Night s'avère très guerrier et imposant après une très longue introduction acoustique, Primordial renouera d'ailleurs avec son Metal Folk et ses racines acoustiques sur l'ultime morceau Wield Lighning to Split the Sun, rythme très simple et efficace d'un Simon O'Laoghaire décidément très inspiré sur ce disque, et leads glorieuses, un morceau ou une fois de plus Averill s'efface quelque peu pour laisser parler la musique, faisant de l'album une véritable oeuvre collaborative où Primordial montre une très grande cohésion, la basse est pleinement audible, apportant un peu plus de punch en compléments de riff bien charpentés, la batterie est plutôt imposante, et il est à noter que l'album jouit d'une excellente production, claire et limpide, qui prend en compte les contrastes de la musique du groupe, entre émotion et atmosphère guerrière.

Classe, panache, émotion, Primordial nous balance avec Where Greater Men Have Fallen son meilleur album depuis To the Nameless Dead, et surement l'un des plus Heavy orienté de toute sa discographie.
Bien sûr, ce n'est pas la grande révolution, mais les irlandais maîtrisent de bout en bout un style qui leur convient admirablement, l'ensemble s'avère particulièrement diversifié, et même sans mettre énormément de nouvelles choses sur la table, les petits aménagements permettent à Primordial de faire toujours la même chose, mais de manière différente, avec une personnalité toujours aussi affirmée.
Where Greater Men Have Fallen s'inscrit dans le prolongement de la discographie du groupe, ce n'est pas un monument comme l'album de 2007, qui était uniquement composé d'hymnes intemporels, ce qui n'est pas vraiment le cas ici, mais plutôt une réaffirmation du statut de Primordial, Where Greater Men Have Fallen est juste un très bon disque, mélodique et guerrier à la fois, qui ne décevra au final que ceux qui attendent à chaque album de l'exceptionnel de la part des irlandais, un album qui flirte avec l'excellence, malgré tout sans jamais véritablement l'atteindre, mais peut-on reprocher à Primordial de se contenter de maintenir un tel niveau de qualité?

Track Listing:
3. Come the Flood
4. The Seed of Tyrants
5. Ghosts of the Charnel House
6. The Alchemist's Head
7. Born to Night
8. Wield Lightning to Split the Sun