C'est reparti pour un tour, les haters et les trolls vont encore pouvoir se lâcher sur les internets, les arguments, on les connais déjà, Sepultura n'est plus rien sans les Cavalera, Ce n'est plus qu'un vulgaire groupe de reprises honteux, Derrick Green est nul, Kisser est un gros con, la ritournelle habituelle à chaque sortie d'album de Sepultura 2.0.
Pour ceux qui attendent une reformation avec le line-up original (d'ailleurs c'est quoi le line-up original? Celui de Morbid Visions? avec ou sans Kisser alors?), ça n'arrivera jamais, et j'ai presque envie de dire que c'est tant mieux, après tout, que serait devenu Sepultura si le groupe avait continué avec Max Cavalera après Roots? (qui était déjà un album bien médiocre même si un succès commercial certain), quand on voit ce qu'à fait le gros Max en solo depuis 15 ans, à savoir un Thrash/Nü Metal Groovy et souvent dégueulasse, surtout le ridicule Primitive, avant de se réorienter vers un Thrash/Death basique à base de gros groove bas-de-plafond (Seul Dark ages est plutôt correct dans le genre), je ne pense pas que ce Sepultura-là aurait eu un parcours glorieux.
Car en fin de compte, malgré la haine, les quolibets et les critiques ignobles (il faut dire que beaucoup de gens ont prit fait et cause pour Max, et je suis toujours aussi surpris du nombre de personnes qui croient que Max s'est fait virer par Kisser), le Sepultura 2.0 a au moins eu le mérite d'essayer et de tenter pas mal de choses nouvelles, en se mettant constamment en danger et en ne sortant jamais deux fois le même disque, avec des résultats très divers, je l'admets, Against explorait le Hardcore, Nation était bordélique, Roorback était... simplement mauvais, Dante XXI était une excellente surprise, alors que A-lex était un peu moins bon, et puis il y a eu Kairos, qui montrait un Sepultura moins conceptuel et qui revenait un peu à des sonorités plus Thrash, au final un très bon disque, et on ne va pas se mentir, c'est également le cas de The Mediator Between Head and Hands Must Be the Heart, dans un style, une fois de plus, différent de ce que le groupe nous proposait jusqu'ici...
Malgré que nous ayons affaire à deux groupes assez différents, les comparaisons entre le Savages de Soulfly (Chroniqué ici) et ce nouveau Sepultura seront inévitables, car à peine un moins sépare les deux sorties, et par dessus le marché sur le même label, Nuclear Blast, et si comparaison il y a, il faut se rendre à l'évidence, elle est irrémédiablement à la défaveur de Soulfly, qui nous a encore proposé la soupe habituelle du père Cavalera, avec tout cela comporte de recyclage et de manque d'idée, car une fois de plus, Sepultura a décidé d'avancer et de ne pas nous faire un Kairos #2, même si on remarquera que cette fois-ci, Sepultura a choisi de retourner un peu dans le passé, proposant une mouture qui, tout du moins dans l'esprit, se rapproche un peu de Soulfly, dans le sens où c'est la violence qui est mise à l'honneur, avec un Thrash qui retrouve pas mal d'éléments empruntés au Groove tribal, avec une certaine simplicité dans les structures, pas de concept ambitieux comme lors du duo Dante/A-Lex, il y avait également un vague concept sur Kairos, mais qui n'était pas vraiment important, The Mediator Between Head and Hands Must Be the Heart, malgré la grosse référence à Fritz Lang, n'est absolument pas un concept album sur Metropolis, mais un disque dont la forme est tout ce qu'il y a de plus classique, sans interludes, dont les titres ne sont pas connectés entre eux par un même thème, de ce fait, l'innovation n'est pas vraiment de mise ici, il n'y a rien de vraiment expérimental, et Sepultura a cette volonté de sonner de manière classique et directe, avec finalement tout ce qui fait la différence avec Soulfly, de l'envie et de la conviction, un peu un mélange entre le Sepultura que l'on qualifiera de "moderne" et le retour de sonorités se situant entre Arise, pour la violence, et Roots, pour ce côté groove tribal, pas d'innovations, mais plutôt une réaffirmation de ce qu'est Sepultura en 2013, un groupe qui va de l'avant sans pour autant renier son passé.
Peut-être que ce léger retour en arrière a à voir avec le retour de Ross Robinson à la production, lui qui avait déjà produit Roots, on retrouve ce côté tribal avec ce groove écrasant, comme si seul Robinson savait comment faire sonner Sepultura de cette manière, le son est très clair mais assez granuleux, et l'ensemble sonne de manière très groovy avec une emphase particulière sur la basse de Paulo Jr, qui dispose d’énormément d'espace et occupe le terrain efficacement lors des passages tribaux ou des soli de Kisser, apportant à Sepultura une base rythmique gigantesque en complément de l'autre nouveauté, le jeune batteur, Eloy Casagrande, un gamin de 22 ans, sorte de prodige brésilien, dans un genre quelque peu différent d'Igor Cavalera, je ne dirais pas qu'il fait oublier Igor, il sonne juste de manière différente, et surtout il semble parfaitement correspondre à ce qu'est Sepultura aujourd'hui, ça tabasse furieusement, de manière très intense, mais le gamin sait faire preuve de subtilité quand il le faut, surtout les passages tribaux qu'il semble particulièrement bien maîtriser.
Mediator se veut très sombre et violent, et dès le titre d'ouverture, ça va envoyer du lourd avec un Trauma of War ultra abrasif et rentre-dedans, après une quarantaine de secondes de bruits bizarres, c'est la charge de la cavalerie brésilienne, rapide, intense, Green vomit ses tripes en gueulant comme un damné, et le groupe semble accélérer de plus en plus, pas de solo et une partie centrale un peu déstructurée avec des rythmes tribaux, et niveau violence et agression, on est même un ton au dessus pour The Vatican, car après une autre introduction, cette fois un peu plus longue à base de cloches d'église et de chants de messe (Duh! ça s'appelle The Vatican quoi!), ça va poutrer sévèrement, les riffs sonnent de manière très simple, directe, mais on remarque vite les multiples changements de rythme qui émaillent le morceau, et une fois de plus une section rythmique qui envoie le pâté comme jamais, qui occupe l'espace pendant le solo plutôt sympa de Kisser, c'est toujours agréable de faire travailler la basse et la batterie pendant les solos et de ne pas se contenter de doubler les guitares, et c'est un peu cela que j'aime sur cet album, c'est qu'il donne le sentiment de n'avoir été enregistré que pour une seule guitare, les riffs sont rarement doublés et c'est à la section rythmique de remplir l'espace, ce qui est souvent une bonne chose. (Et donc oui, j'admets que cela peut paraître choquant, mais Paulo Jr sait vraiment jouer de la basse en fin de compte!)
Impending Doom va en peu ralentir le rythme, et c'est la facette sombre de la musique de Sepultura qui sera la plus mise à l'honneur, l'atmosphère se fait menaçante, Green est d'ailleurs mixé un poil en retrait, ce qui renforce un peu ce sentiment de malaise et de lourdeur, un gigantesque mid-tempo, implacable, qui avance lentement avec une basse qui groove et qui claque, avec un solo distordu comme les affectionnent Kisser, plutôt bluffant dans l'ensemble ce titre, une fois de plus la batterie est énorme, et dès le titre suivant, Casagrande donnera dans un registre complètement tribal et ravageur avec Manipulation of Tragedy, avec un petit passage sympa ou la basse reprend le riff de guitare, titre rouleau-compresseur quasiment dansant, notamment les percussions de la partie centrale, qui se termine de manière très lourde et un peu glauque avec l'ajout de sample et une ultime accélération en guise d'ultime baffe dans la gueule.
Tsunami continue dans la même veine en mode rouleau compresseur, avec un Derrick Green qui se fait plus discret, alternant entre hurlements et spoken words, la chanson est brutale mais le chant ainsi que quelques samples lui confèrent également un certain sentiment de malaise et une coloration sombre et atmosphérique, à partir de Tsunami, on va rentrer dans une partie de l'album qui sera un peu moins directe et plus portée sur les atmosphères sombres et les ambiances, The Bliss of Ignorance est un peu bordélique et sans vraiment de structure claire, pas inintéressant pour autant, car une fois de plus le travail rythmique est assez impressionnant, avec une basse rampante et omniprésente, mais ce n'est pas vraiment accrocheur non plus, Grief fait lui figure de longue interlude atmosphérique avec de longs passages instrumentaux et un Green qui hurle de manière fantomatique dans le fond, une chanson plutôt étrange, mélancolique, une petite pausa avant de reprendre les hostilités avec The age of Atheist, pour un retour au thrash tribal dans tout ce qu'il a de plus direct, alternant entre des parties énergiques et des passages plus atmosphériques, pas vraiment le meilleur titre de l'album, et un choix curieux de le choisir comme premier single afin de promouvoir l'album, peut-être pour le message délivré par les paroles, "What do you see depends of what you are looking for and what are you looking for, needs to be believed. It needs to exist in your head, you need to believe to disbelief" (c'est quand même d'un autre niveau que les lyrics du gros Max, non?), Obsessed est beaucoup plus direct et brutal, sans vraiment de temps morts, un titre qui fait plus figure de filler, correct sans être particulièrement transcendant, et que dire de l'ultime titre, Da Lama ao Caos, une reprise de Chico Science & Nação Zumbi, le moment le plus WTF de l'album où c'est Andreas Kisser qui prend le mic pour rapper en portugais, c'est étrange, ça fait sourire, mais ce n'est pas mauvais, je trouve ça plutôt sympa, même si anecdotique, notons que ce titre continue de longues minutes dans le silence afin de nous offrir une petite session de percussions finale en guise de ghost track tout ce qu'il y a de plus inutile, dommage que cette seconde moitié d'album soit aussi décousue par rapport à la première, Mediator démarre très bien mais Sepultura perd un peu le fil en cours de route...
The Mediator Between Head And Hands Must Be The Heart démarre très bien avant de fléchir quelque peu par la suite et de se perdre dans des délires tribaux et atmosphériques surement un peu trop décousus, mais ce n'est pas pour autant que Sepultura se vautre avec cette seconde partie d'album, qui est juste moins accrocheuse et moins maîtrisée que la première, il faut dire aussi que ça partait très fort, Sepultura n'a juste pas pu tenir toute la distance sur le même rythme et avec la même intensité, de la même manière, ce n'est pas la première fois, Sepultura aime bien vagabonder et expérimenter un peu, et tout n'est pas à jeter dans cette fin d'album, loin de là.
Malgré tout, l'album est plutôt réussi, conjuguant les expérimentations de la période Green et du Sepultura moderne avec les sonorité groovy et tribales de Roots et la violence d'un Arise, cela nous donne un Thrash Hardcore au groove dévastateur renouant avec les racines tribales des brésiliens, un cocktail détonnant qui fonctionne vraiment pas mal, les riffs de Kisser sont acérés, agressifs, Green se montre plutôt versatile, et la section rythmique est totalement dévastatrice, malheureusement, comme c'est un album de Sepultura, il sera bien évidemment descendu par un paquet de trolls et de haters, mais je crois bien que Sepultura n'en a rien à foutre, et ce sont eux qui ont raison, laissez de côté vos préjugés et écoutez, vous pourriez être surpris.
The Mediator Between Head And Hands Must Be The Heart est intense, sincère, avec de l'envie et de la conviction, l'oeuvre d'un groupe courageux qui ne s'est jamais laissé découragé par les critiques et les jugements foireux, et rien que pour ça, alors que je partais sur un bon 3.5/5, je vais même monter la note à un petit 4/5 encourageant, car ce Sepultura me plait beaucoup, continue de tracer sa route, et l'album est tout à fait convaincant, surement le meilleur de ce Sepultura v2.0
What do you believe depends on the idea planted in your mind, what type of seeds have been planted?
What do you believe depends on what you see!
L'album du Cœur
Track Listing:
1. Trauma of War
2. The Vatican
3. Impending Doom
4. Manipulation of Tragedy
5. Tsunami
6. The Bliss of Ignorants
7. Grief
8. The Age of the Atheist
9. Obsessed
10. Da Lama ao Caos (Chico Science & Nação Zumbi cover)