Il y a presque dix ans, en 2004, j'étais tombé sous le charme du premier album d'un jeune groupe finlandais qui m'avait pris par surprise avec son Synthetic, un premier essai enthousiasmant qui m'avait fasciné par la capacité de ses finlandais à emmener son Black symphonique dans des contrées expérimentales, comme pouvait le faire Arcturus à son âge d'or, un Black aux ambiances cosmiques, déroutantes, mêlant également Death Metal et sonorités industrielles.
Les deux albums suivants, Intoxicate O.S. et Zero Nexus, bien que très bons, m'avaient un peu désappointé, car même si le groupe conservait quelques relents avant-gardistes, leur musique se faisait plus concise et directe, presque plus évidente, leur Black s'enrobant d'une fine pellicule de Death mélodique, pas mauvais, certes, mais bien moins fascinant.
Malgré tout, Shade Empire restait un groupe prometteur qui était à suivre malgré le fait qu'il évoluait dans un relatif anonymat, sauf que voilà, après 2008, plus rien, le trou noir, le groupe avait disparu de la circulation, un long silence de cinq ans (même si le chanteur était occupé, officiant également chez les excellents Chaosweaver), enfin rompu en début d'année avec l'annonce miraculeuse d'un nouvel album, un Omega Arcane qu'on attendait pas/plus et qui a pour lourde charge de remettre le groupe sur le devant de la scène...
On ne va pas se mentir, et je ne vais pas tourner autour du pot, le nouveau Shade Empire est monstrueux, titanesque, grandiloquent, et devrait figurer sans peine dans mon classement des meilleures albums de l'année, à croire que les cinq années de silence ont été mises à profit, car les finlandais ont bossé comme des brutes pour progresser, et cela s'entend, Omega Arcane est un pas de géant en avant, et une véritable révolution dans le son du groupe, qui se devait de frapper un grand coup pour son grand retour aux affaires, les finlandais ont donc choisi de faire une chose toute simple, composer des titres tous plus épiques et surpuissants les uns que les autres, un véritable tour de force.
Une fois de plus, Shade Empire montre qu'il a évolué, qu'il a appris de ses erreurs, et qu'il n'a pas du tout l'intention de se répéter, Omega Arcane est différent des trois premiers albums, surement moins expérimental, même si le groupe a conservé quelques bribes du passé par-ci par-là, les finlandais proposent ici un Black Symphonique flirtant avec le Death, l'industriel, un véritable déchaînement de violence qui n'oublie pas la mélodie, s'offrant même de merveilleux passages atmosphériques.
En gros, vous prenez Septic Flesh, pour le Death sympho apocalyptique, Dimmu Borgir, pour le Black, Chaosweaver pour le côté théâtral, et Summoning pour les atmosphères de la Terre du milieu, vous mélangez tout ça, et vous avez un aperçu de ce qu'est Omega Arcane, plus qu'un simple album ambitieux, une véritable expérience auditive.
Et il va falloir se l’apprivoiser le bestiau, car Shade Empire ne s'est pas foutu de la gueule de ses fans, le disque tape ses 75 minutes, un CD remplit jusqu'à la gueule de Metal épique, et à aucun moment on ne va se faire chier.
Le titre d'ouverture est juste ébouriffant, c'est pas pour rien qu'il a été choisi comme premier single, c'est d'ailleurs à son écoute que j'ai immédiatement cliqué sur le lien de pré-commande pour acheter le bouzin avec un T-shirt, qui me permettra de frimer sur la plage cet été.
Ruins, donc, est une bombe de huit minutes, dont deux minutes introductives atmosphériques à la Summoning (dommage qu'elle ait été coupée dans la version single) qui vous font voyager dans une ambiance cinématographique digne du Seigneur des anneaux, avant l'avalanche de Blast beats et de fureur qui vous tombe sur la gueule, grandiose, épique, avec ses orchestrations over the top qui donne à l'ensemble des sonorités apocalyptiques, et ce sens de la mélodie dévastatrice, avec ce refrain qui donne des frissons, le groupe nous offrant même un petit break atmosphérique du plus bel effet histoire de respirer un peu, et une reprise avec une utilisation judicieuse du chant clair conférant une petite touche mélancolique.
L'album est d'une richesse insensée, fouillé, travaillé, fait de multiples textures, remplit de détails et de moments forts, une sorte de bande sonore de l'apocalypse.
Du brutal, il y en a, Dawnless days, avec ce piano fantomatique, Until no life Breeds, Malicious winds, titres parmi les plus courts et directs, mêlent habillement velléités symphoniques avec une petite touche de sonorités industrielles, sans oublier, puisque c'est le coeur du concept, de s'offrir de larges plages mélodiques, de la violence, du panache, des ambiances fouillées, seul Traveler of Unlight est un peu en dessous, le titre manquant un peu d'accroche et à tendance à errer quelque peu, mais c'est un détail, car le reste est encore meilleur, quand le groupe prend encore plus le temps de développer ses atmosphères, et c'est presque là où il est encore meilleur.
Après les trois premiers titres, on entre dans une longue période atmosphérique, avec le mid tempo Ash Statues, assez oppressant et sa courte mais délicieuse vibe summoning en intro, qui précède Disembodiment, un gros pavé de Metal épique de treize minutes, presque instrumental, où les passages orchestraux sont reliés par des parties acoustiques, une nouvelle fois du grand art, et un voyage dans un univers propice à la rêverie, planant et mélancolique, et si vous n'en avez pas assez, le dernier titre est du même acabit, du haut de ses douze minutes, pour une conclusion idéale à ce disque qui ne laisse pas indifférent.
Un autre grand moment du disque, et un epic win, avec le duo Slumbering Giant et Nomad, ce dernier étant d'ailleurs mon titre préféré, tout en clair obscur, grandiose, alors que le premier est bien plus sombre et oppressant, dommage pour la petite interlude Devolution instrumentale qui est tout à fait inutile et que je saute systématiquement, l'alliance entre symphonique et électro est un peu hors de propos ici, quoiqu'il en soit, c'est bien le seul moment pénible, et comme il vous reste 72 minutes, je ne vais pas crier au scandale...
Bref, Omega Arcane est un sérieux candidat au titre d'album de l'année, rien de moins, et Shade Empire fait très très fort pour son retour au premier plan, l'influence d'un Dimmu Borgir est certes plus présente que par le passé, l'aspect expérimental des finlandais est passé au second plan, mais Shade Empire développe ici une vision tout à fait personnelle et une mixture unique, un album époustouflant de maîtrise et de talent, admirablement bien composé, notamment les orchestrations, parfaitement intégrées à la musique du combo, le chant est excellent, Juha Harju se révélant être un vocaliste des plus versatiles, sachant même s'effacer pour laisser la place aux longues chevauchées atmosphériques.
Si vous cherchez l'album le plus épique de l'année, il est là, aucun doute la dessus, Omega Arcane est grandiloquent, envoûtant, très dense, au concept et aux paroles sombres, fait du Metal le plus noir, un peu à l'image d'un Septic Flesh, mais paradoxalement lumineux lors de ses longues plages atmosphériques, presque progressives, très cinématographique également, le tout dans une ambiance de fin du monde, qui se dévoile lentement, avec le temps, une réussite totale, et un véritable coup de cœur pour un disque que me donne encore des frissons quand je l'écoute...
La bande son de l'Apocalypse
5 / 5
Track listing:
1. Ruins
2. Dawnless Days
3. Until No Life Breeds
4. Ash Statues
5. Disembodiment
6. Malicious Winds
7. Traveler of Unlight
8. Devolution
9. Slumbering Giant
10. Nomad
11. Omega Arcane