Quand on parle de A Forest of Stars sur ce blog on ne plaisante pas, c'est du sérieux, car pour qu'un "gros connard qui n'aime rien"™ (sic) comme moi offre à leur album précédent le titre d'album de l'année 2015, c'est que Beware the Sword you cannot see était, et est toujours d'ailleurs, un putain de bon disque qui déchire sa mère la pute, mais vous le savez très bien si vous me suivez un peu, je ne suis pas du genre à tenir compte des statuts des groupes que je chronique, et ce ne serait pas la première fois que je déverse un peu de bile sur un album après avoir encensé le précédent, il faut dire aussi que quand on atteint des sommets, généralement la suite a tendance à être un peu en dessous et à provoquer un désagréable sentiment de déception, fort heureusement, de déception il ne sera pas DU TOUT question avec nos amis britanniques de The Gentleman's Club of A Forest of Stars, Grave Mounds and Grave Mistakes n'est pas meilleur, n'est pas moins bon non plus, il est juste à l'image de la discographie du groupe, à savoir un autre disque à la fois étrangement familier mais fondamentalement différent dans son approche, tout en conservant le style tout à fait particulier du groupe, car ouais, vous ne trouverez pas un groupe qui fait du A Forest of Stars, eux seuls sont capables d'atteindre ce nouveau de raffinement dans leur Black à la théâtralisation avant-gardiste aussi excentrique qu'il peut être déconcertant...
Steampunk Black Metal™, c'est le terme que j'avais employé la dernière fois pour caractériser la musique d'A Forest of Stars, ça ne veut certes rien dire mais c'est une description suffisamment floue et en même temps précise qu'elle colle plutôt bien à la vision artistique des anglais, qui s'inspire d'un certain mysticisme à la mode à l'époque victorienne, Grave Mounds and Grave Mistakes ne sera pas forcément très différent de l'album précédent, les bases seront toujours là, du Black Metal avec un harnachement psychédélique progressif atmosphérique, où seront ajoutés tout un tas d'expérimentations et de trouvailles sonores qui vont faire tout le sel des longues compositions du groupe, parce que bon, autant vous prévenir, on est parti pour une grosse heure de délire halluciné, ce qui sera le léger (petit) défaut de l'album mais on y reviendra plus tard.
Bien sûr que j'avais un petit doute quant à la capacité d'A Forest of Stars de faire au moins aussi bien qu'il y a trois ans, des doutes qui seront bien vite dissipés par le duo d'ouverture Persistence Is All / Precipice Pirouette, cet album ne pouvait pas mieux commencer que par ce titre imparable tout aussi épique qu'il peut être implacable et imprévisible, toujours aussi grandiloquent dans son approche théâtral dominé par le chant toujours aussi particulier (et clivant) d'un Mister Curse complètement halluciné, Precipice Pirouette n'est pourtant pas un morceau surprenant de la part des anglais, mais il est la quintessence d'un style et d'un groupe au sommet de son art qui maîtrise chaque infime détail de sa musique, A Forest of Stars navigue dans le tumulte de ses propres contradictions, créant ses propres anachronismes avec de subtiles références industrielles, entre les envolées lyriques hallucinogènes et les mouvements véloces qui cohabitent avec les larges passages narratifs atmosphériques très folk où résonne le violon mélancolique et toujours juste de Katheryne, Queen of the Ghosts, ce morceau trouvera un prolongement inattendu sur un Tombward Bound déconcertant pour son mélange de genre, on part quand même du black Metal pour arriver à une sorte de Folk industriel atmosphérique teinté de pop gothique typé années 80, c'est vous dire le niveau de bizarrerie qu'on peut parfois atteindre.
De la bizarrerie, certes, mais jamais A Forest of Stars ne fera dans le bizarre dans le seul but d'être ostensiblement excentrique, tout a un sens, et un but, j'évoquais les 80's juste au dessus, ce n'est pas anodin de trouver pas mal de références et d'expérimentations tirées de cette période, Grave Mounds and Grave Mistakes a une forte coloration cinématographique et semble évoluer par moment comme une B.O d'une série B horrifique où se rejoindraient le cinéma de Carpenter et l'esthétique victorienne, Premature Invocation comporte un large passage narratif atmosphérique dominé par les percussions et l'électronique, et ce ne sera pas le seul moment où la musique d'A Forest of Stars se retrouvera confronté à l'électronique des 80's, Scripturally Transmitted Disease sera un morceau étrange où l'électro sera très présente et ressortira par moment au premier plan dans un déluge Black hargneux et décoiffant, avant que le morceau évolue vers une sorte de mix entre le Black atmosphérique et le folk/Rock à chant féminin, on pourra même parler de synthwave sur le dernier morceau Decomposing Deity Dance Hall qui laissera une large place à l'électronique avec une batterie qui sonne volontairement comme une boite à rythmes.
Fort heureusement, malgré toutes ses références aux 80's et sa propension à naviguer dans l'électronique, A Forest of Stars n'est pas devenu un groupe de synthwave, loin de là, l'électronique apporte un contraste intéressant et renforce la dimension expérimentale d'un groupe qui n'a pas peur d'explorer de nouveaux horizons et de se mettre en danger, même s'il aime bien parfois se rassurer avec des morceaux un peu moins aventureux, comme le rugueux et brutal Children of the Night Soil qui défouraille dans le Black aux légères intonations folk acoustiques, et si vous aimez le Folk, Taken by the Sea sera pour vous, c'est Le morceau de Katheryne, Queen of the Ghosts sur cet album, un titre de post-Rock atmosphérique légèrement teinté d'électronique avec du piano et des cordes, c'est super beau, mais on se demande bien ce que ça fait sur cet album tant ce titre semble complètement détaché du reste et créé un décalage que j'ai du mal à comprendre, surtout qu'il enchaîne directement et sans transition sur le démarrage brutal de Scripturally Transmitted Disease.
Taken by the Sea est également un morceau un peu trop longuet, et c'est un peu le petit défaut que l'on pourra trouver à Grave Mounds and Grave Mistakes, quelques longueurs se font sentir et pas forcément sur les morceaux les plus longs, Children of the Night Soil est certes bien bourrin, mais il tourne un peu en rond sur la fin et le dernier mouvement après le break apparaît un poil superflu, de la même manière, certains passages électroniques ont également tendance à traîner un peu trop, Decomposing Deity Dance Hall est particulièrement pataud dans ses transitions et on aurait très bien pu couper deux-trois minutes du truc, on parle d'un groupe qui se fait ici très expérimental et il faut bien avouer que certaines expériences, même si elles ne peuvent pas être qualifier d'échecs, peinent parfois à convaincre.
Malgré tout, Grave Mounds and Grave Mistakes est une addition de choix à la discographie impeccable des anglais, on ne pourra pas reprocher à A forest of Stars d'avoir voulu jouer la facilité, et c'est une fois encore là où on ne les attendait pas qu'ils ont décidé d'aller, que ce soit par moment un peu maladroit n'est pas surprenant vue la nature expérimentale et progressive de l'aventure.
A Forest of Stars demeure un groupe unique, impalpable, excentrique, des adjectifs qui pourraient très bien s'appliquer à un Grave Mounds and Grave Mistakes où le groupe à voulu explorer sa dimension cinématographique, où quand le Steampunk Black Metal rencontre les ambiances horrifiques d'Argento on de Carpenter, cela donne un résultat encore plus dérangeant et bizarre que ce à quoi vous auriez pu penser, un véritable cauchemar baroque et psychédélique.