La sortie d'un nouvel d'On Thorns I Lay et l'existence même du groupe en 2018 tient d'un miracle ou d'un bug dans la matrice tant le combo grec avait complètement foutu en l'air sa carrière il y a une grosse dizaine d'années quand il s'est dit que faire de la pop de merde était une bonne idée quand t'as une fan base qui vient du Doom/Death, bien sûr, vous allez me dire que pour Anathema ça avait marché, mais chez les anglais la mue avait pris plus de temps, fut également douloureuse, mais surtout, le résultat final était cool, quand On Thorns I Lay a sorti Egocentric en 2003, c'était un gigantesque tas de merde, partir d'un Doom/Death plutôt primitif pour allez vers le Metal gothique, pourquoi pas, ça tenait encore la route, mais franchir la ligne rouge pour donner dans une sorte de mauvais Radiohead en vaguement plus Heavy était une décision rédhibitoire qui a fait imploser le groupe au point qu'on pensait bien ne plus jamais avoir de nouvelles des hellènes.
Il aura fallu douze ans de purgatoire pour que On Thorns I Lay fasse son retour, en 2015 donc, avec un Eternal silence terriblement passé inaperçu qui tentait péniblement de recoller les morceaux et de se faire pardonner aux yeux des anciens fans, ce n'était pas forcément brillant ni même inoubliable, mais il était perceptible que les grecs tentaient de revenir à certains fondamentaux qui avaient fait leur succès (tout relatif quand même hein) dans les années 90, plus de conneries électro/pop ou de dérivations gothiques, mais ce n'est pas pour autant qu'On Thorns I Lay va revenir à, par exemple, la glorieuse époque d'Orama, Aegean Sorrow est une toute autre bestiole, ancrée dans le Doom/Death, sans être à proprement parler le Doom/Death que pratiquait le groupe il y a plus de vingt ans.
Après tout, pour un groupe qui a toujours fonctionné sur les changements stylistiques, ce nouveau retournement de situation ne sera pas forcément étonnant, Aegean Sorrow est un album de Doom/Death qui se rapproche davantage de Rapture, des premiers Amorphis, ou plus simplement du Big Three britannique de la belle époque, le titre éponyme Aegean Sorrow sera finalement assez conforme et en accord avec ce que le groupe essayait de faire il y a trois ans, neuf minutes d'un bon gros Doom des familles effroyablement pesant, avec un Stefanos Kintzoglou désormais débarrassé d'un contrepoint féminin qui occupe tout l'espace en nous sortant son growl le plus caverneux et le plus lourd, un Doom qui n'oublie pas de façonner de subtiles mélodies par le biais de merveilleuses leads qui transpercent les ténèbres avec fermeté et délicatesse, les petits arrangements orchestraux apporteront également un certain feeling mélancolique.
Le début d'album sera d'ailleurs très classique pour le genre et diablement efficace, Erevos sera du même tonneau, toujours aussi lancinant et pesant, incorporant quelques arrangements à base de cordes et un petit break acoustique, et on ne sera pas dépaysé par un In Emerald Eyes aux contours éthérés qui déploie une dramaturgie conférant au morceau un caractère presque épique, c'est du bien bel ouvrage, et rien ne préparera à ce qui va se passer par la suite, car avec Olethros Part I, sans prévenir, on va complètement changé de genre au point où on pourrait se demander si c'est le même groupe qui joue, Olethros Part I est quasiment un morceau de Death mélodique, infusé de Doom évidemment, mais dont le caractère vindicatif sera quelque peu en décalage avec une seconde moitié qui reprend le chemin du Doom/Death mélancolique et finement orchestré, autant dire que c'est un peu brinquebalant et qu'on a l'impression d'avoir deux morceaux de deux groupes différents mis bout à bout, ce qui est assez étrange.
Olethros Part II dérivera vers les dimensions Opethienne avec une forte inclinaison acoustique et même une orientation progressive, et ce ne sera pas le dernier retournement de situation, car c'est bien du chant clair qui nous accueillera sur un The Final Truth très fortement influencé par November's Doom et bien sûr Paradise Lost, avec des leads bien familières, le morceau développera de très belles ambiances même si l'utilisation des cordes et des chœurs sera un peu surfaite et probablement trop larmoyante, c'est une petite facilité d'écriture qu'on retrouve souvent dans le genre, on pourra regretter le choix d'avoir remplit l'album avec des espèces d'outro superflue, de l'acoustique et du spoken words sur A Sign of Sadness, et trois minutes de piano constituant Skotos, ce qui nous donne un petit huit minutes qui va en grande partie annihiler l'atmosphère misérable et le caractère Doom que le groupe s'est chargé de bâtir avec compétence et réussite pendant les sept premiers morceaux, j'ai le sentiment que l'album aurait dû s'achever avec The Final Truth et que ces deux pièces finales se sont retrouvées là en guise de remplissage, car ils n'ont aucune justification dans le cadre de cet album.
Malgré un final pas des plus judicieux, On Thorns I Lay propose quand même une bonne première quarantaine de minutes de bon Doom/Death à l'ancienne, très mélodique et mélancolique, finement orchestré, qui étrangement ne sonne pas vraiment comme du On Thorns I Lay typique des années 90, avec Aegean Sorrow, c'est autre chose, une plongée dans le Doom/Death qui emprunte des méthodes de composition et des effets de styles très typiques du genre, assez familiers aussi, où On Thorns I Lay n'invente rien mais s'avère être un excellent recycleur du Doom/Death typé 90's, à quelques problèmes de cohésion voir quelques incohérences près.
Il faut également noter une production en tout point remarquable, avec un Dan Swanö qui s'est occupé du mix et du mastering, pour un résultat absolument brillant, Aegean Sorrow a beau avoir des défauts, l'album sonne de manière exceptionnelle, et dans l'ensemble, on a affaire à un album qui ravira les fans de Doom/Death mélodique, et à ce rythme-là, on est plutôt proche de pardonner à On Thorns I Lay ses errements passés, pourvu que ça dure.