Bienvenue en 2016, où mélanger le Death ultra lourd avec du Doom et des atmosphères poisseuses et dissonantes du Black est devenu une sorte de nouvelle norme pour tous les groupes souhaitant sortir des sentiers battus, le problème étant qu'à force, le sentier est devenu une autoroute aussi engorgée qu'un jour de départ en vacances.
J'exagère un peu, comme d'habitude, mais vous saisissez l'idée, dans ce Death plutôt abstrait, parfois qualifié de Post-Death, et poussé dans ses derniers retranchements par des Gorguts et autres Ulcerate, ça commence à être l'embouteillage et il devient de plus en plus ardu de sortir du lot, en même temps, difficile de faire dans l'originalité et de sonner frais dans un genre aussi spécifique et il faut bien l'avouer, désormais très codifié.
Bref, pas le temps de niaiser, voici Phobocosm, qui nous vient de la belle province de Québec, des gaillards qui, plutôt que de se lancer en tant que cover-band de Céline dion, ont donc choisi de s'engager dans la voie du Death/Doom/Post-Death/Abstrait, démontrant déjà un certain talent pour la chose il y a deux ans avec leur premier album Deprived, dans un format d'ailleurs bien plus classique et lisible, car avec Bringer of Drought, on va plonger de plein pied dans le Death/Doom claustrophobique et étouffant, mais chiant aussi... (oups, spoiler)
Quatre titres, à peine trente-cinq minutes au compteur, c'est donc distribution de gros pavés au menu, et je vous parlais d'un genre devenu très codifié désormais, on est en plein dedans avec Bringer of Drought, qui aura au moins le bon goût de ne pas tomber dans le piège du Death technique incompréhensible en mode l'art pour l'art, avec des structures qui resteront plutôt aisés à appréhender pour le commun des mortels, un Phobocosm récitant ici, avec un certain talent malgré tout, le petit vade-mecum du genre.
Vous attendiez du Death, l'album commencera par du Doom, ouais, c'est comme ça, avec un Engulfing Dust de sept minutes d'une lourdeur défiant les lois de la gravité, sept minutes de Doom/Death ultra lourd et oppressant, légèrement dissonant et parfois tumultueux, avec un growl surgissant du profond des entrailles de la terre, une atmosphère de fin du monde à couper au couteau, certes très réussie, mais qui ne progressera malheureusement sur rien de concret, en fait, on a plutôt affaire à une sorte de longue introduction bien trop longue, qui me fait dire qu'à défaut d'un album longue durée, Bringer of Drought est quasiment un EP...
Fort heureusement, après avoir plombé l'ambiance et tué toute envie de faire la fête, Tidal Scourge va démarrer pied et plancher et distribuer de la mandale à tour de bras, juste le temps qu'il faut avant de plonger dans le Doom le plus caverneux qui nous accompagnera sur presque la totalité du titre, presque neuf minutes quand même, à quelques soubresauts Death et violents près, on se croirait presque chez Ulcerate sur ce morceau, sans le côté fascinant et hypnotique des néo-zélandais, je ne vous cacherais pas que c'est un peu chiant du coup, ce qui sera largement moins le cas avec un Ordeal de facture plus conventionnelle dans un format un peu plus court, où le Death/Doom des québécois va retrouver une certaine efficacité, surtout quand le groupe lâche les chevaux pour nous inonder de Blasts et d'une tornade de riffs, ce qui n'empêche pas quelques incartades, certaines dissonances, d'autres plus orientées atmosphérique, donnant un résultat plus que convaincant, asphyxiant et d'une remarquable densité.
C'est par un pavé long de douze minutes que Phobocosm conclura l'aventure dans une atmosphère obscure et brutale à souhait, qui, malgré la débauche de spasmes Death et d'ambiances oppressantes, ne parviendra pas à captiver vraiment, Phobocosm à ce problème, cette mauvaise habitude, qui consiste à constamment étirer inutilement ses compositions, ce qui les rend particulièrement répétitives, alors certes, l'accent est mis sur les atmosphères, les ambiances, mais tout ça manque de folie, de chaos, on est jamais véritablement bluffé par les changements de direction que l'on voit arriver à des kilomètres, c'est lent, massif, et il est difficile de se sentir pleinement concerné par ce qui se passe sur Bringer of Drought, ce n'est pourtant pas la faute à une production tout bonnement excellente (signée du stakhanoviste colin Marston), mais il faut bien avouer que l'on s'emmerde un peu, ce qui est vraiment gênant pour un album aussi court.
Bringer of Drougth respecte pile-poil le cahier des charges du genre, le Death, le Doom, les atmosphères angoissantes, l'extrême densité et les ambiances de fin du monde, tout est là, c'est même joué avec une réelle conviction et l'envie de bien faire, pourtant, ça ne prend pas trop, Phobocosm récite un paquet de lieux communs au sein de composition qui ont tendance à un peu trop traîner en longueur, c'est bien joli de s'orienter vers un Death largement teinté de Doom atmosphérique, encore faut-il parfois relancer la machine en même temps que l'intérêt de l'auditeur, ce que Phobocosm ne fait presque jamais, nous balançant de longs pavés plus indigestes que fascinants, on était en droit d'espérer autre chose après un premier album punitif bien plus furieux et convaincant...