"Mode: tendance temporaire dans les références ou comportements collectifs, propre à une période donnée et liée à un phénomène d'imitation. Les modes peuvent exister dans divers domaines, notamment artistiques.
Une tendance est un phénomène observé sur un groupe particulier, groupe qui fait partie d'un autre groupe plus important. Souvent abordée sous l'angle des statistiques, une tendance est surtout très utilisée pour orienter la production de biens et services."
Il y a toujours eu des modes dans le Metal, des tendances aussi, que cela soit dans le Metal au sens général du terme, ou dans les sous-genres, par exemple, la mode dans le Death Metal actuellement est de pomper Gorguts, euh, pardon, plutôt de proposer un Death Metal technique aux structures non-linéaires que l'on pourra qualifier de Death Metal abstrait, même s'il est tout à fait possible d'appeler ça le Post-Death Metal, peut importe que l'on accole à tout ça le terme progressif, ce ne change pas grand chose à la tendance actuelle, difficile de nier également l'influence énorme de Gorguts sur cette tendance.
Si je vous parle de ça, c'est bien entendu car Ad Nauseam a parfaitement étudié le marché du Death Metal, le constat est simple, pour sortir de la masse, il vaut mieux pratiquer un Death abstrait élitiste et complexe, ce qui correspond à la demande actuelle, surtout que je genre est particulièrement bien vu de la part des faiseurs d'opinion des internets, plutôt que de faire dans le Death Brutal et prosaïque, pour l'instant cette élitisme n'est pas encore devenu le nouveau mainstream, mais c'est en passe de le devenir, l'entreprise italienne de démolition cryptique et labyrinthique Ad Nauseam positionne donc son produit sur le créneau du Death haut de gamme, loin de la plèbe pratiquant du Death bas-de-plafond, où finalement, tout se jouera sur la capacité du groupe à apporter sa pierre à l'édifice et à se démarquer, car il est très facile de tomber dans le piège de la copie pure et simple...
Dans le post-Death Metal, il y a toujours trois noms à name-dropper, et Nihil Quam Vacuitas Ordinatum Est ne va pas faire exception à la règle, je suis d'ailleurs persuadé que toutes les autres chroniques que vous trouverez ailleurs comporteront les trois mêmes références, Gorguts, Ulcerate, Deathspell Omega, mais bon, ne cherchez pas ailleurs, mon avis fait autorité (lol) et y'a un streaming en fin de chronique pour que vous écoutiez le bestiau, que pour des raisons pratiques nous appellerons juste Nihil, tout court, j'ai pas envie de me taper le titre entier à chaque fois, en latin, parce que c'est élitiste et mystérieux à la fois, après tout, c'est qu'il y a un cahier des charges à respecter m'voyez.
Notons que j'essaierai de faire assez court lors de cette chronique, vu que j'ai déjà chroniqué pas mal d'albums de ce genre, mon stock de métaphores et d'hyperboles est déjà assez entamé, et je n'aime pas écrire en ayant la sensation de répéter des phrases toutes faites, surtout qu'un nouveau Ulcerate se profile à l'horizon et qu'il faut que j'en garde sous la pédale.
Bref, Ad Nauseam est un tout nouveau groupe, Nihil étant leur premier album, on y trouve quatre italiens, deux Andrea et deux Matteo, presque aucune référence, pas une petite démo, ni même un EP, l'orchestre apocalyptique transalpin démarre avec son gros pavé sous le bras en guise de carte de visite, après avoir passé de longues années à bosser dessus, mais également après avoir étudié de fond en comble toute la discographie des trois autres groupes cités plus haut.
Nihil, c'est donc une nouvelle plongée abyssale dans un maelstrom Death Metal en forme de labyrinthe sonore, difforme et monstrueux, qui n'est bien évidemment pas des plus faciles d'accès, et l'on va vite se rendre compte que les italiens ont particulièrement potassé leur petit Gorguts illustré pour ne pas trop se prendre les pieds dans le tapis de la complexité outrancière, avec un défaut malgré tout, un certain manque d'intensité qui va se faire ressentir au fur et à mesure que font défiler les titres de l'album.
Ce n'est pas qu'Ad Nauseam passe à côté de son sujet, loin de là, mais ce qu'ils nous proposent ici apparaît parfois un peu trop surfait et ce petit arrière-goût de déjà entendu laisse assez perplexe.
Un Death Metal technique abstrait et malsain, où la violence se mêle aux longues plages atmosphériques, navigant constamment entre l'ordre et le chaos, Nihil nous fait pénétré dans un univers dissonant, colérique, parfois mélancolique aussi, et là où le groupe manque de folie et d'intensité, il va tenter de le compenser par une approche plus baroque, avec de nombreux arrangements à base de cordes, dont un violon utilisé de manière assez fine, ainsi que par le biais de nombreux soli particulièrement inventifs, ce sont en quelque sorte les petits gimmicks par lesquels Ad Nauseam va passer pour se distinguer et tenter de forger son identité.
My Buried Dream s'ouvre sur un court passage angoissant où un ensemble de cordes classique fait monter la pression jusqu'à un bon passage en mode Gorguts worship, le morceau va avancer de cassure en cassure, où le growl se retrouve être le seul point de référence, brutalité en soubresaut qui aboutira au traditionnel passage progressif à l'aérienne lourdeur, accélérations brutales et ralentissements vertigineux, Ad Nauseam assure, sans être particulièrement génial, mais ce premier morceau propose un sacré voyage sur les montagnes russes du Post-Death technique, et alors que Key to Timeless Laws semble partir sur le même chemin de la brutalité dissonante, avec une construction relativement identique qui applique le cahier des charges du genre, Ad Nauseam va partir dans un délicieux délire en mélangeant des violons cacophoniques avec un solo particulièrement déglingué, c'est plutôt pas mal, et cela contribue à bâtir une atmosphère singulière, malsaine et dangereuse.
C'est justement sur les atmosphères qu'Ad Nauseam va parvenir à faire la différence, notamment les sonorités SF menaçante sur un Into the Void Eye particulièrement sludgy et brutal qui s'achèvera sur une bonne grosse minute de cordes qui font leur petit effet dans le genre cauchemar éveillé, faisant le lien entre un Terror Haze de facture plus classique mais qui provoquera un sacré malaise de part les notes de piano glaciales et terrifiantes disséminées un peu partout, et l'on pourra regretter que les italiens ne développent pas suffisamment ses très bonnes idées, d'ailleurs l'album aura un petit coup de mou vers la fin, à partir de Lost in the Antiverse, qui bien que dévoilant la facette la plus brutale d'Ad Nauseam, avec des espèces de moshparts ultra brutales, n'est pas le morceau le plus intéressant du lot, The Black Veil of Original Flaw apparaît quasiment comme une outro aux leads très distordues, se concluant d'ailleurs par plus de bruitages symphoniques, et l'on sera même surpris qu'il y a un dernier morceau, qui semble avoir été posé là au dernier moment, un Superimposing Mere Will and Sheer Need qui est la seconde pseudo-outro du disque, partagée entre une première partie assez dense, brutale et tourbillonnante, sans forcément susciter énormément d'intérêt, on s'attendait à un gros pavé de dix minutes épiques, les cinq dernières minutes sont une conclusion Drone/Noise à base de bruitages malsain, mouais...
Nihil souffre quelque peu d'un manque d'intensité, il faut dire aussi que le chant n'est pas des plus percutant, un peu étouffé, un peu trop monolithique aussi, et c'est parfois comme écouter un Gorguts sans les hurlements rageurs et maladifs de Luc Lemay, ce qui est plutôt gênant, heureusement, Ad Nauseam a pour lui la densité et la maîtrise des atmosphères, par une approche plus baroque, et pour un enregistrement maison, le son de Nihil est particulièrement bon et limpide, pas trop compressé puisque l'on est sur un très correct DR9.
A défaut de nous avoir proposer un monument du Death abstrait, ou Post-Death, comme vous voulez, Ad Nauseam nous propose un premier album davantage plein de promesses que de déclarations définitives.
Malgré son manque de folie et également un certain manque d'impact, Nihil Quam Vacuitas Ordinam Est s'avère particulièrement convaincant pour un premier essai, les italiens ont des idées, qu'ils parviennent à appliquer jusqu'à une certaine limite, et l'on aurait aimé qu'ils aillent un peu plus loin, cela aurait peut-être évité des rapprochements trop flagrants avec leurs références stylistiques.
Justement, on peut rester parfois perplexe à l'écoute d'un album qui colle un peu trop à une recette et à un cahier des charges respectés à la lettre, et il faudra surement que les italiens développent assez vite leur propre personnalité pour ne pas rester confiné dans la catégorie suiveur de mode, les bases sont présentes malgré tout, il y a vraiment des moments où Ad Nauseam propose quelque chose d'assez unique, avec un haut degré de raffinement, mais par intermittence seulement, et vu le talent des musiciens, et la certaine qualité de l'album, donnons leur le bénéfice du doute et mettons les petits défauts sur le compte de la jeunesse du projet...
Post-Death à la mode