Marduk fête cette année ses 25 ans, putain, à l'échelle du Black Metal moderne c'est presque depuis la nuit des temps, Marduk a toujours été là, fidèle au poste, et a toujours su faire passer la pilule lors de ses nombreux changements stylistiques, surtout lors de sa première année d'existence, Marduk ne semble pas vouloir raccrocher ses rangers, ni même remiser au placard son crucifix, toujours fermement enfoncé dans le cul d'une demoiselle depuis la demo Fuck me Jesus, un peu comme Excalibur, et j'imagine que celui qui parviendra à le retirer du fondement de la gente dame deviendra le nouveau roi du Black Metal.
Car le roi vacille et le royaume est en péril depuis une dizaine d'années, l'usure du pouvoir surement, car Marduk s'enfonce depuis quelques albums dans la monotonie, et qu'importe si Serpent Sermon en 2012 redressait, un tout petit peu, la barre, le ver est dans le fruit, et les suédois se retrouvent confronté à la vision de leur décrépitude, un combat que l'on sait perdu d'avance, mais cela ne va pas empêcher Marduk de continuer de capitaliser sur sa légende et son statut de groupe culte se battre contre l'adversité, que le groupe n'ait plus d'idées ni même l'envie de se surpasser, il va falloir se taper cette nouvelle purge attaque du Panzer satanique suédois, ne vous inquiétez pas, ça ne fait pas mal, en tout cas beaucoup moins qu'avant, et l'on s'en remettra vite, bienvenue sur le front du cochon (Je ne parle absolument PAS allemand, mais cette traduction à l'arrache de Frontschwein me fait marrer), un endroit curieux où l'on va assister aux tristes manœuvres d'un géant suédois qui tourne en rond...
Frontschwein est-il un mauvais disque? non.
Frontschwein est-il un bon disque? non.
Frontschwein est malheureusement entre deux eaux, le petit disque de plus à ajouter à une discographie déjà conséquente de la part d'un groupe qui se démerde encore bien mais qui n'a plus grand chose dans le réservoir, le char d'assaut suédois n'avance plus que par l'inertie de ses succès passés, lancé sur une pente descendante, ce nouvel album arrive sur terrain plat, Marduk est obligé de pousser avec ses petits muscles, et vu le poids du bestiau, il va être bien compliqué de relancer la machine.
Malgré toute la bonne volonté du monde, nul ne peut peut résister à la lente érosion due au temps qui passe, et Marduk, quoi qu'il essaie de faire croire, vieillit lentement et surement, pas encore au point de glisser dans la case has-been, mais suffisamment pour que l'on ne prête plus trop attention à sa musique qui perd progressivement de son impact.
Le groupe cultive toujours l’ambiguïté avec leur imagerie satanique et les nombreuses références guerrières, après tout, c'est leur fond de commerce, ce n'est pas aujourd'hui que ça va changer, les membres du groupe ne s'étant jamais entre-tués et n'ayant pas brûlé d'églises, il fallait bien trouver des gimmicks pour se faire remarquer dans les années 90, satanisme graphiquement provocateur et ambiguïté quant à la nature politique extrême du propos et de l'imagerie ont permis à Marduk d'attirer le chaland vers une musique qui était, à l'époque, particulièrement intéressante, aujourd'hui, tout ça appartient au folklore du groupe, et n'a plus grand intérêt en 2015, dommage qu'il ne reste plus que de la provoc à deux balles pour impressionner le jeune facilement influençable qui se dirigera forcément vers cette sortie pour cultiver son côté trve car, un, c'est une légende du genre, et deux, ça sort chez un gros label suffisamment puissant pour le matraquer de pub et d'arguments fallacieux pour lui faire acheter le bouzin.
Frontschwein, des gimmicks surannés du passé au service d'une musique dont la qualité est en régression constante depuis une dizaine d'année, l'usure du temps.
Marduk se retrouve pris en défaut, d'inspiration et d'idées, comme un vieux groupe un peu sénile qui ressasse ses vieilles idées, avec une certaine compétence, certes, mais avec un flagrant manque de nouveautés, Frontschwein est un peu la copie d'une copie, ça reste globalement la même chose que lors des albums précédents, mais on perd en qualité.
Cette décrépitude de Marduk n'est pas nouvelle, et même si l'arrivée de Mortuus en remplacement de Legion avait donné un petit coup de fouet au groupe le temps d'un Plague Angel plutôt convaincant, malheureusement ce n'était que le dernier soubresaut artistique d'un groupe dont l'aura n'a de cesse de décliner au fur et à mesure des albums, et pour son treizième album, Frontschwein est assez représentatif de ce que l'on peut désormais appeler l'Ennui Mardukien.
Malgré son visuel assez proche de celui de Panzer Division, Marduk n'a désormais plus la même verve qu'à l'époque, et il faudra se contenter de pataudes références à la seconde guerre mondiale noyées dans l'approche quelque peu moins frontale qu'a adopté le groupe lors des années 2000
Frontschwein s'ouvre sur un morceau éponyme typique du Marduk récent, cavalcade black über brutale avec juste ce qu'il faut de mélodie pour rendre tout ça catchy malgré le côté gros méchant en colère, ouais, ça commence de manière bien classique avec un single efficace mais bien peu intéressant, et ça ne va pas s'arranger par la suite car The Blond Beast est un authentique filler à la con digne des morceaux de remplissage de Wormwood, ambiance martiale de rigueur, morceau plutôt mid-tempo qui ne va nulle part, un filler dès le second titre, ça commence bien dites-donc!
C'est là qu'intervient l'ennui Mardukien, une musique où la violence devient très vite monotone, où l'on passe au gré des titres par tous les gimmicks habituels du groupe, des bruitages d'armes à feu, d'explosions ou de marches militaires, le tout sur fond d'agression sonore avec les traditionnels blast à cent à l'heure, avec, dans un souci de diversité, des morceaux plus Evil et mid-tempo, ouais, c'est la grande routine, et donc une flopée de morceaux qui ne parviennent pas à retenir l'attention, c'est le cas des bien trop prévisibles Afrika, Rope of Regret ou Falaise: Cauldron of Blood, le bourrinage habituel et quasiment le minimum syndical avec des mélodies vicieuses qui n'empêchent pas le sentiment de déjà entendu, même si Thousand-Fold Death bizarrement placé en fin d'album est excellent alors qu'il propose un Black mélodique assez éloigné de ce que fait Marduk habituellement, placer ce qui est, à mon sens, le meilleur morceau de l'album sur la dernière piste est clairement un choix étrange.
Il y a donc quelques mid-tempo dont malheureusement peu sont dignes d'intérêt, Wartheland est ennuyeux à souhait, 503 est un peu meilleur avec ses petits bruitages militaristes et un côté martial très appuyé, et l'on retiendra surtout un Nebelwerfer qui voit Marduk explorer un Black à la frontière du Doom où la voix de Mortuus bien dégueulasse fait son petit effet.
Justement, dans cette morosité ambiante, Mortus domine l'album de la tête et des épaules, et pour ceux qui n'ont pas tourné la page du départ de Legion, allez vous faire mettre, Mortuus est largement au dessus avec une prestation une fois encore diablement occulte et bien plus versatile que son prédécesseur, heureusement qu'il est là car il ne faudra pas compter sur Morgan pour nous proposer un riff qui ne sent pas le recyclage, en fait, plutôt qu'un album de Marduk, j'aurais aimé que Mortuus bosse sur un nouveau Funeral Mist.
Il y a plein de petites choses qui rendent cet album un peu chiant, le fait que Marduk se contente d'une resucée de ce qu'il fait depuis dix est bien sûr le défaut majeur, mais on peut rajouter à cela une durée un peu trop excessive, on aurait pu se passer d'une dizaine de minutes, pourquoi pas en virant cette longue purge que nous inflige les suédois avec un Doomsday Elite qui ne va nulle part pendant huit minutes, ce qui aurait permis d'intégrer dans la version de base, et non en bonus Track, cette excellente pièce d'Ambient/Indus Warschau III: Necropolis qui est en fait une collaboration avec le groupe d'Indus/Martial Arditi (non, pas Pierre...).
L'autre petit souci vient de la production du truc, car ouais, c'est un gros Brickwall qui sacrifie le dynamisme au volume sonore, et ça saoule, surtout pour un album de Marduk qui joue avant tout, malgré les incartades dans le mid-tempo, sur le bourrinage, il faut vraiment être courageux pour se taper plus de cinquante minutes d'un DR5 compressé comme ça.
Que retiendra-t-on de ce treizième album des suédois? rien, ou pas grand chose, car il y a trop peu de choses intéressantes sur Frontschwein pour que l'on ait envie d'y revenir par la suite, un album qui est, en gros, un Panzer Division en plus long et en moins bien.
Frontschwein, c'est du Black de Badass bien méchant qui sonne creux, qui utilise tous les artifices de production moderne pour sonner plus fort et générer un impact de manière artificielle, les compositions sont linéaires, peu imaginatives, et l'album devient rapidement monotone de par l'incapacité du groupe à proposer des choses qui retiennent l'attention, on a juste droit à du Marduk en version plus militaire que sataniste qui utilise ses gimmicks habituels désormais usés jusqu'à la corde, et comme ils n'ont aucune idée de quelle direction prendre, ils ont mis un peu de tout en espérant que ça marche, recette habituelle avec ingrédients désormais frelatés, Frontschwein est un album irrémédiablement moyen et trop prévisible, pas mauvais, car Marduk maintient un certain niveau minimum, mais tellement loin de ce qu'il parvenait à proposer par le passé.
Service minimum
Track Listing:
1. Frontschwein
2. The Blond Beast
3. Afrik
4. Wartheland
5. Rope of Regret
6. Between the Wolf-Packs
7. Nebelwerfer
8. Falaise: Cauldron of Blood
9. Doomsday Elite
10. 503
11. Thousand-Fold Death
12. Warschau III: Necropolis (Bonus Track)