Après des débuts discographiques marqués par le Black Metal d'obédience très norvégienne, les américains de Nachtmystium ont assez rapidement changé leur fusil d'épaule, s'orientant davantage vers ce que l'on appelle de manière simpliste le Black psychédélique, étiquette un peu foireuse quand même, mais qui convient relativement bien au style pratiqué ici, où le Black Metal se retrouve immergé dans une marmite d'influences allant de Pink Floyd à Killing Joke, sauf que voilà, Nachtmystium ne peut plus vraiment être considéré comme un groupe de Black Metal, même s'il en conserve certains attributs.
L'évolution de Nachtmystium a finalement trouvé son apogée avec les deux Black Meddle, Assassins et Addicts, c'est vraiment à partir de ce moment là que Blake Judd a trouvé sa propre niche et un son qui lui était propre, malheureusement, comme c'est souvent le cas, l'album suivant, Silencing Machine, était un testament de l'incapacité de Nachtmystium à aller plus loin et à se surpasser.
The World We Left Behind est un album particulier, car destiné à être le dernier du groupe avant sa séparation (peut-on d'ailleurs parler de séparation quand un groupe n'est composé que d'une tête pensante et d'intérimaires en CDD?), du fait des gros problèmes personnels de son leader, arrêté l'année dernière pour vol, et toujours addict à tout un tas de substances illégales, même s'il essaye de s'en sortir depuis quelques temps; Cet album n'est donc pas le dernier si l'on en croit les déclarations récentes de Judd, et en lieu et place d'un glorieux épitaphe final, on a affaire avec The World We Left Behind à une nouvelle démonstration d'un artiste en manque d'inspiration et de ressources...
The World We Left Behind semble être avant tout l'oeuvre d'un artiste épuisé et rincé par ses problèmes personnels, qui ont surement impacté fortement l'écriture de cet album, mais pas seulement, car c'est également l'absence de Sanford Parker qui se fait ressentir dans le son bien moins dense et plus simpliste de ce disque, il reste bien entendu quelques synthés et effets industriels par-ci par-là, mais on est à des années-lumière des Black Meddle de ce côté-là, c'est un peu dommage dans la mesure où le travail de Parker était l'une des composantes majeures de l'évolution de Nachtmystium.
Mais principalement, ce qui rend l'écoute de ce nouvel album aussi frustrante, c'est le fait que Blake Judd est passé en mode recyclage, pour un groupe qui a longtemps joué la carte de l'innovation, c'est plutôt moyen, et l'on va surtout passer son temps à l'écoute de l'album à essayer de retrouver où on a déjà écouté tel ou tel passage.
J'en veux pour preuve le premier titre Fireheart, qui suit pourtant une longue et excellente introduction où la pression va monter progressivement jusqu'à un riff très galopant qui flirte avec du Maiden, le morceau Fireheart est une resucée pure et simple d'Addicts jouée sans envie ni conviction, aucune expérimentation, aucune créativité, une sorte de post-rock psyché mélangé vulgairement à du Black, ça ne pouvait pas plus mal commencer, malgré le petit riff vaguement sympa qui fait penser à du Voivod, malheureusement, même si la qualité va un tout petit s'améliorer par la suite, The World We Left Behind est sans conteste le plus mauvais album de Nachtmystium.
Sans expérimentations, sans créativité, sans le merveilleux travail sur les claviers et le jeu sur les sonorités bizarres, Nachtmystium se présente ici presque à poil, car ne reste que le squelette du groupe sans les contours expérimentaux qui faisaient sa force, certains parleront de candeur et de travail sincère et authentique, mais personnellement, j'ai du mal à y voir autre chose qu'un recyclage à l'arrache en moins bien, c'est quoi le projet? faire rentrer du blé en sortant un disque de plus pour que Judd puisse se payer sa désintox?
Bien sûr, cet album n'est pas en tout point médiocre, loin de là, il contient même pas mal de titres écoutables, voir même parfois très bons, mais il représente une cruelle déception par rapport à ce qu'à pu faire Nachtmystium par le passé, par rapport au potentiel du groupe également, dont on attendait bien plus que ça.
On retrouve par exemple des sonorités électroniques sur Into the endless Abyss, mais qui sortent tellement de nulle part et apparaissent tellement forcées qu'elle ne contribuent en rien à bâtir une atmosphère, c'est dommage car le morceau en lui même n'est pas mauvais du tout.
Cet album est frustrant car il est au final très banal, sans les bizarreries et les expérimentations diverses, la musique de Nachtmystium ne fonctionne plus vraiment, pire encore, la musique n'a ici aucune direction précise, et presque moins de personnalité qu'auparavant, l'album donne toujours le sentiment de manquer sa cible, sans parvenir à insuffler une réelle dimension émotionnelle, ce qui est une véritable gageure pour un album dont les paroles sont très personnelles et tendent à explorer l'esprit auto-destructeur de son créateur, cette émotion, on ne la ressent jamais vraiment dans la musique, même le dernier titre, Epitaph for a Dying Star, qui tente de nous faire le coup du titre posthume triste et mélancolique parvient à tomber à plat, un peu comme ce In the Abscense of Existence qui tombe dans un post-Black hurlant sa banalité à la face du monde.
Tout est malheureusement très prévisible avec The World We Left Behind, avec un Nachtmystium qui semble faire tout son possible pour que sa musique ait le moins d'impact possible, la basse a souvent tendance à disparaître complètement par moment, la batterie manque de puissance, au point où je me demande si ce ne serait pas une boite à rythme, et c'est un vrai sentiment de gâchis que l'on ressent à un titre très influence par le Black norvégien comme Voyager, un morceau éponyme qui passe une fois encore à côté au niveau de l'émotion, heureusement que Tear you Down est sauvé par une seconde moitié qui envoie sacrement le pâté, où Nachtmystium retrouve une certaine densité et toute sa fluidité, chose très rare sur un album profondément décevant...
Pas complètement raté, plutôt pas mal par moment, mais totalement frustrant, The World We Left Behind est surement l'album le plus faible de la discographie de Nachtmystium, qui est un groupe qui ne peut pas survivre sans son groove et ses bizarreries, ni même ses délires aventureux, cet album est trop simple et banal pour qu'il puisse fonctionner correctement.
Cet album est safe, bien trop safe pour un groupe dont le leader n'avait semble-t-il pas la possibilité de faire autre chose après tous ses problèmes personnels, The World We Left Behind n'est pas du tout inspiré, n'a aucune ambition, et Blake Judd semble être en peine sèche au niveau de la créativité, un album qui n'a aucun intérêt, qu'il faut assez vite oublier tout en espérant que Blake Judd résolvent ses problèmes et nous reviennent un jour au top de sa forme, car il serait bien dommage que l'aventure Nachtmystium se termine en eau de boudin avec un disque foireux et aussi plat...
The Creativity We Left Behind...
Track Listing:
1. Intrusion
2. Fireheart
3. Voyager
4. Into the Endless Abyss
5. In the Abscense of Existence
6. The World We Left Behind
7. Tear You Down
8. On the Other Side
9. Epitaph for a Dying Star