Cela faisait bien un an qu'on avait plus trop de nouvelles d'Andreas Hedlund, alias Vintersorg, alias le plus grand et le plus impressionnant vocaliste de notre temps (ok, j'en fais peut-être un peu trop...), il faut dire que 2012 fut une année chargée pour le suédois, avec les sorties du génial Urd avec Borknagar et d'Orkan avec son groupe solo, et en attendant la sortie du prochain Vintersorg (qui devrait avoir pour thème l'eau ou le feu, j'ai la mémoire qui flanche), le gaillard en a profité pour réactiver Otyg et donc, ce qui nous intéresse ici, Cronian, qui n'est autre qu'une collaboration entre Hedlund et son collègue norvégien et tête pensante de Borknagar, Øystein Garnes Brun, projet longtemps mis en sommeil depuis 2008 après les albums Terra et Enterprise.
Vous vous doutez bien que vu le CV des deux protagonistes, le style pratiqué par Cronian va vite se rapprocher des sonorités de Borknagar et de Vintersorg, à savoir un Black progressif et racé, avec certes moins d'éléments folks ou vikings si ce n'est le chant d'Hedlund, et à partir de là, vous sentez vite arriver la grosse entourloupe autour d'Erathems...
Enfin, grosse, peut-être pas, mais entourloupe quand même car en écoutant Cronian, aussi bon soit-il, je ne peux m'empêcher de me demander quel est l'intérêt de l'entreprise, et en fin de compte, Erathems me fait un peu la même impression que le Orkan de Vintersorg, qui était déjà un Jordpuls part II, un album brillant, mais absolument pas indispensable, tout au moins aux premières écoutes, mon sentiment a plutôt évolué par la suite.
Une fois de plus, les différences entre Cronian et Borknagar (voir même Vintersorg) sont plus que minimes tant les deux groupes évoluent dans des genres similaires, à tel point qu'on pourrait éventuellement se demander si les chansons d'Erathems ne seraient pas simplement des titres non utilisés des sessions du dernier Borknagar et retravaillés pour l'occasion.
Bien sûr, en cherchant bien et en regardant ça de plus près, des différences, on va en trouver, car dans l'ensemble, Erathems n'a pas du tout le même sentiment de grandeur ni le souffle épique que Urd, ce n'est absolument pas le but de Cronian, qui nous propose une musique bien plus progressive et atmosphérique, pour un album plus froid qui nous dépeint des paysages mélancoliques et la désolation d'un monde par l'action destructrice de l'homme et de la civilisation moderne, bref, dans l'esprit, Cronian est un poil plus contemplatif que Borknagar, avec des titres qui délaissent souvent le Metal pur et dur pour prendre le temps de développer ses atmosphères, usant d'Orchestrations symphoniques, d'acoustique, et d'éléments progressifs typés 70's assez habituel chez Vintersorg, par ailleurs, il faut quand même remarquer qu'Erathems est un grand pas en avant par rapport aux albums précédents, il faut croire que nos deux lurons n'avaient pas menti quand ils avaient annoncé que cette fois-ci le disque serait un véritable effort collaboratif, ce qui fait qu'Erathems apparaît d'emblée comme bien plus abouti que ses prédécesseurs, surtout au niveau des arrangements et des riffs.
C'est une certaine fluidité qui fait toute la différence ici, les variations, quelles soient rythmiques ou au niveau des atmosphères, s’enchaînent sans aucune cassure, et l'album a donc un flux tout à fait particulier et cohérent, avec bien entendu une prestation une fois de plus de très très haut niveau de Vintersorg, qui va alterner son chant extrême avec son habituel chant clair plein d'émotion et des envolées lyriques dont lui seul a le secret, qui permettent de donner à cette musique progressive et très riche une certaine dimension catchy.
Erathems sonne progressif et très froidement, ce qui est un petit défaut chez les productions récentes de Vintersorg, qui utilise également une batterie programmée qui manque de feeling, devient une force chez Cronian, de même que les orchestrations qui sonnent de manière très synthétiques (voir même un peu datées sur un Moments and Monuments dont les orchestrations font penser à du Summoning), un sentiment de froideur qui sera contrebalancé par le timbre toujours aussi chaud d'Hedlund, ainsi que par le riffing très reconnaissable de Brun.
Cronian ne recherche pas l'efficacité à tout prix, préférant dépeindre des paysages désolés, un peu déshumanisé, soufflant constamment le chaud et le froid, un album de contraste, Cold Wave Eruption est un long voyage de presque huit minutes, avec un Vintersorg qui se fait tantôt menaçant, tantôt planant et offrant un refrain atmosphérique et catchy, les orchestrations sont discrètes et apportent une ambiance unique et une certaine grandeur à un titre qui prendra le temps de développer son ambiance avec un petit break atmosphérique et un solo final heavy et plutôt planant, parfois le Metal est totalement absent, comme sur un Moments and Monuments exclusivement symphonique sur lequel plane le chant clair de Vintersorg, ou encore l'instrumental End(durance) Part III où les guitares se retrouves délestées de leurs attributs Black.
Ce n'est pas pour autant que Cronian nous la joue atmosphérique tout le temps, l'alternance est de mise, entre les morceaux, aussi qu'au sein des titres eux-mêmes, les spasmes black/prog d'un Drifting Station entre calme et agression, la noirceur presque Black d'un Ecocracy qui évolue lentement vers la lumière et les grands espaces atmosphériques et progressifs, où bien entendu, Vintersorg ne peut s'empêcher de nous sortir ses ohohohoh vikings typiques, ou encore un énorme Blackwater Horizon qui nous propose une première accélération Black avec des cloches dans le fond, parce que Yolo quoi, les cloches c'est ultra Metal, encore un mélange entre les paysages progressifs et une certaine violence pour un titre qui se rapproche de Vintersorg (le groupe), une ambivalence que l'on retrouvera d'ailleurs sur un très menaçant Core Resiliency, qui comprend des claviers et des arrangements absolument géniaux, de même sur le très bizarre Chemical Dawn, qui fait figure de titre un peu expérimental, Cronian a vraiment bien bossé son affaire pour nous proposer un contenu ultra chiadé, progressif, atmosphérique, sans pour autant sacrifier à une certaine violence, bluffant...
J'ai vraiment eu du mal à la première écoute, car cela ressemble pas mal à du Borknagar ou à du Vintersorg, et puis au fur et à mesure, à force de persévérance, il s'avère qu'Erathems est un album qui a sa propre personnalité, et qui se distingue quelques peu de ses encombrants grands frères.
Plus progressif, également plus porté sur le symphonique, Cronian prend le temps d'installer ses atmosphères, sans se presser, avec de longs titres comme autant de tableaux riches de nuances, où l'on se perd dans la contemplation de ses grands espaces, un ensemble qui malgré sa complexité se révèle plutôt catchy par le chant unique d'Andreas Hedlund et la science du riff d'Øystein G. Brun, les orchestrations sont pleinement intégrées à la musique du duo, qui nous délivre une oeuvre particulièrement aboutie et riche, mystérieuse et fascinante...
Track Listing:
1. Cold Wave Eruption
2. Ecocracy
3. Drifting Station
4. Moments and Monuments
5. Blackwater Horizon
6. Core Resiliency
7. Chemical Dawn
8. End(durance), Part III
9. Full Moon Inferno (Bonus Track)