Incantation s'était fait discret depuis 2006 et la sortie de Primordial Domination, il y a bien eu un EP et un Split pour meubler quelque peu, ainsi que des participations de John McEntee à d'autres projets (Goreaphobia en 2009, et le très bon Reduced to Sludge en 2011 avec Funerus, groupe familial car sa gonzesse est aussi de la partie), mais tout le monde (euh... les fans qui ont en quelque chose à foutre plutôt) attendait un nouvel album.
Je ne vais pas vous mentir, je suis un gros fanboy d'Incantation, après tout, c'est l'un des premiers groupes de Death que j'ai écouté quand j'étais gamin, et j'ai toujours gardé un tendresse particulière pour le groupe, même s'il sort toujours globalement le même album.
Car Incantation est un groupe pragmatique, qui ne sort jamais de sa zone de confort, et se tient strictement à ce qu'il sait faire, avec quand même une constance dans la qualité, un groupe qui n'a jamais sorti de bouses, et une discographie en forme d'ode à l'immobilisme, un groupe fidèle à son dogme, et une certaine conception de son Death Metal.
Bref, ce Vanquish in Vengeance, avant même de l'avoir écouté entièrement (juste le rassurant extrait distillé en guise d'amuse-bouche), c'était typiquement le genre de disque qui allait se prendre un 3-3.5 /5 sur ce blog, tranquille, sauf que voilà, comme vous le savez déjà puisque c'est surement la première chose que vous êtes allé voir en tombant sur cette chronique, Incantation a dépassé mes attentes cette fois-ci...
Bon, faut pas s'attendre à une révolution non plus hein, Incantation fait le même Death depuis plus de vingt ans, c'est pas maintenant que ça va changer, c'est juste que cette fois-ci, il le fait un poil mieux, et surtout bénéficie d'une production dantesque qui enfin rend justice à la musique du groupe, mais on y reviendra.
Autour de l'indéboulonnable McEntee, une fois de plus, le line-up a été remanié depuis 2006, si Kyle Severn est toujours là derrière ses fûts, Chuck Sherwood remplace Joe Lombard (RIP) à la basse et le guitariste Alex Bouks, qui nous vient de Goreophobia fait son apparition.
Malgré ces changements de personnels habituels, le coeur du Death d'Incantation ne change pas, on est dans le Old School pur et dur, bourrin, caverneux, occulte, avec bien entendu une petite touche de Doom boueux, ce qui est remarquable dès la première écoute, c'est bien sûr cette production, très massive, qui tranche avec le son habituel du groupe, après tout, c'est pas pour rien que le mixage et le mastering ont été réalisé par Dan Swanö, qui offre à Incantation un son très moderne, mais pas trop, en fait, ce son me fait un peu penser au Deathhammer d'Asphyx, qui lui aussi bénéficiait du même type de prod, puissante, assez claire, mais qui malgré tout ne gomme aucune des aspérités inhérentes au genre pratiqué ici, on reste dans le old school, ça s'entend, mais du old school avec un son au final assez moderne, et du coup, c'est toute la musique d'Incantation qui gagne en puissance et en clarté, tout en restant incroyablement brutale et visqueuse, les guitares sonnant toujours aussi raw.
Plus accessible, donc, sans dénaturer pour autant la musique du groupe, qui se fait juste moins boueuse que par le passé, ce qui devrait ravir les fans les plus orthodoxes qui ne jurent que par la période Craig Pillard et les premiers albums (sic), faut vivre avec son temps les gars.
Car en dehors de la production, tout ce qui fait le piquant d'Incantation est toujours là, de la brutalité, de la rage, des accélérations suivies de ralentissements pachydermiques, des titres toujours aussi sinueux et obscurs à base de mélodies morbides, et bien sûr le chant de McEntee, qui, bien que différent du très reconnaissable Pillard qui vomissait ses lyrics tel un troll des cavernes, a développé depuis trois albums son propre style, qu'il maîtrise plus que jamais ici, dans un genre bien entendu très caverneux.
Pourtant, j'ai eu peur dès les premières secondes de l'album, avec le riff de Invoked Infinity qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Golgotha, qui ouvrait le mythique Onward to Golgotha, peur qu'Incantation ne sombre dans le pastiche et l'auto-parodie, mais fausse alerte, sans doute n'est-ce qu'un petit clin d'oeil à leur premier album sorti il y a tout juste 20 ans, j'en sais rien, mais c'est troublant.
Toujours est-il que passé ce petit moment bizarre, Incantation attaque pied au plancher et va enchaîner les mandales dans la gueule, à l'ancienne, avec une brutalité sans concession, ses ralentissements ultra pesant, et ses quelques soli malsains (Haruspex par exemple), mais ce n'est pas que de la violence, car comme à son habitude, Incantation nous offre quelques perles de Death/Doom lugubre dont il a le secret, de longues plongées en apnée dans les profondeurs des ténèbres, avec Transcend into absolute Dissolution et un Profound Loathing occulte à souhaits, nous offrant même une petite surprise pour terminer, avec les onze minutes de Legion of Dis, qui se rapproche de ce que pourrait faire un Triptykon, une sorte de Doom funéraire diaboliquement malsain...
Bref, moi qui m'attendait à un album normal d'Incantation, j'ai été plus qu'agréablement surpris par ce Vanquish in Vengeance, car non seulement le groupe ne se répète pas trop (un peu quand même, malgré tout), mais nous offre son meilleur album depuis bien longtemps, plus varié que par le passé, plus "accessible", avec sa production "moderne" mais qui n'enlève rien au Death d'obédience Old School du combo, admirablement composé, bien pensé, sauvage mais impeccablement contrôlé, Incantation nous met une bonne baffe dans la gueule, et il fallait bien ça pour sortir de la mêlée cette année, car 2012 est une véritable orgie pour les amateurs de Death à l'ancienne.
Mission réussie pour John McEntee et ses potes, qui reviennent plus fort que jamais avec un excellent disque qui évite la redite totale de fort belle manière, en variant énormément les tempos, l'ensemble s'avère toujours aussi vicieux et occulte, et va même un peu plus loin que ce qui était prévu, bluffant...
Old School, Caverneux, Vicieux, 100% Incantation
4.5 / 5