Nous sommes en 2012 et Cradle of Filth sort un nouvel album, ne me demandez pas pourquoi, j'en sais foutre rien, et cela ne doit surement plus intéresser grand monde tant il est vrai que depuis quelques années la discographie de ces vétérans anglais ne provoque que découragement et indifférence.
Bref, pour Cradle of Filth, le long chemin vers la maison de retraite semble pavé d'albums moyens à raison d'un tous les deux ans, et même si Godspeed on the devil's thunder était vaguement intéressant (un disque presque inespéré après un Thornography absolument dégueulasse), on ne peut pas dire que Darkly, darkly... Venus aversa avait fait bander grand monde.
Alors voilà, deux ans plus tard, qui attend encore quelque chose de la bande de Dani Filth? Que vaut encore ce groupe? L'inspiration sera-t-elle de nouveau au rendez-vous? Pour répondre à ces questions décortiquons donc ce nouveau méfait des anglais...
Il fut un temps, dans la seconde moitié des années 90, où Cradle of Filth était un gros nom du Metal extrême européen, certains oseraient même qualifier le groupe de monument du "Black Metal" symphonique, car oui, à la base, Cradle of Filth, c'est du black, même si ça fait chier pas mal de gens.
Mais quand on regarde la discographie du groupe depuis une dizaine d'année, les choses sont plus claires, car de Black il n'en est absolument plus question, les anglais ayant évolué vers une sorte de Metal gothique "extrême" à tendance symphonique, hybride bancal et fourre-tout qui a surement contribué à la perte de popularité du groupe depuis quelques années.
Bref, partant de là, ne croyez pas ceux qui vous diront que ce The Manticore and Other Horrors (qui n'est pas un concept album foireux, pour changer, même si chaque titre ayant pour point commun de traiter chacun d'un monstre mythique quelconque) est l'album du retour aux sources pour les anglais, il n'en est absolument rien, la seule évolution notable est un style plus raw et violent assumé par le groupe, avec un bourrinage qui se rapprocherait vaguement d'un Midian, l'inspiration en moins.
Bizarrement, The Manticore and other Horrors est un album clairement moins mauvais que prévu et qui fait illusion à la première écoute, car la musique du groupe n'est absolument pas risible (une grosse déception pour le troll qui est en moi, qui ce serait fait un plaisir de massacrer cet album), non, elle est juste redondante, plate, chiante à mourir et totalement anecdotique.
C'est donc la brutalité qui est à l'honneur ici, avalanche de blasts et de tapis de double au niveau de la batterie, riffs rapides à la frontière du Thrash, les arrangements symphoniques se faisant plus discrets, assez bien utilisés d'ailleurs, souvent présent au bon moment afin de souligner un passage, pour ce qui est bien le seul point positif de l'album, en effet, le travail instrumental est vraiment de très haut niveau, avec des compositions chiadées malgré le parti-pris bourrin du bouzin, là dessus, rien à dire, Paul Allender est un excellent compositeur doublé d'un très bon guitariste, dommage qu'il soit incapable de proposer un seul truc mémorable.
On entre donc dans le coeur du problème de cet album, on se fait chier dans un vacarme assourdissant d'une banalité abyssale, en gros, ça tabasse sévère du début à la fin, sur fond d’arrangements symphoniques classieux, et ça tabasse tellement que le disque lasse au bout de quelques titres, pour ne devenir qu'un vague bruit de fond.
Oubliez donc tout espoir de longues chevauchées romantico-épique dont le groupe avait le secret par le passé, cette collection de monstres en tout genre est un long chemin de croix où l'on navigue entre des titres tellement linéaires et bourrins qu'ils finissent par ce ressembler tous, l'album ne fait qu'un cinquantaine de minutes, et pourtant, il s'avère tellement lassant qu'on a l'impression qu'il dure deux heures.
Pourtant, ça tabasse dur, sur un rythme effréné et des riffs allant du Black au Thrash, en passant par le Heavy et même le Punk, tout est fait pour vous brutaliser, mais se produit l'effet inverse, l'engourdissement et la fatigue.
Une intro, une outro, et entre les deux, un véritable bloc assommant de neufs chansons d'une durée moyenne de cinq minutes, l'ensemble souffrant d'un manque d'accroche assez troublant, malgré quelques breaks symphoniques par trop mal fichus et de nombreuses accélérations, rien n'y fait, la sauce ne prend jamais, et je me demande si la voix de Dani Filth n'en serait pas en grande partie la cause.
Sa prestation est ici assez pathétique tant il paraît à la ramasse, c'est bien simple, il sonne souvent comme un asthmatique à bout de souffle, adoptant donc un style de chant plus déclamation où il donne l'impression de réciter son texte de manière théâtrale, sorte de mélange Growl/chant clair mou du genou, l’agrémentant de vaines tentatives de hurlement suraigus qu'ils maîtrisait par le passé, mais plus du tout maintenant.
Dani participe donc à la linéarité de la musique, incapable de produire des lignes originales qui auraient pu éventuellement relever la sauce, privant ses compositions de refrains corrects et d'envolées vocales dont il avait de secret, je crois bien qu'après des années à gueuler comme un goret qu'on égorge, ce bon vieux Dani s'est tout simplement bousillé les cordes vocales et qu'il n'est plus du tout capable de chanter comme il le faisait par le passé, c'est triste de vieillir...
Avec ce Manticore and other Horrors, Cradle of Filth fait un pas de plus vers l'oubli et la maison de retraite, un triste constat, mais il faut être réaliste, le groupe ne sera plus jamais ce qu'il a été et rien n'empêchera le déclin inéxorable du combo britannique.
L'album est bourrin, violent, mais aussi atrocement linéaire, manquant d'accroche et d'originalité, et ne provoque que des bâillements et de l'ennui, malgré toutes ses qualités, notamment de délicieux arrangements symphoniques, The Manticore and other Horrors est un disque vain et sans intérêt, qui tabasse dans le vide, avec un Dani Filth de plus en plus à la ramasse vocalement.
Cradle of Filth a définitivement perdu de sa superbe, et son nouvel album est complètement inutile, mais je suppose que le nom du groupe est toujours suffisamment connu pour continuer à générer un peu d'argent, un groupe un peu has-been qui essaie trop avec cet album, et qui se vautre, immanquablement.
Rien à retenir de ce Cradle of Filth cuvée 2012, à part le vague souvenir d'une cinquantaine de minutes de vacarme assourdissant, anecdotique à l'extrême...
Linéaire, plat, et chiant...
2 / 5