mardi 4 septembre 2012

[Chronique] Mass Hysteria - L'armée des ombres


Rappelez-vous, c'était vers la fin des années 90, et un petit groupe de fusion français, après un premier album plein de promesses, Le bien être et la paix, sortait en 1999 un album qui pulvérisait tout sur son passage, Contraddiction, des tubes en pagailles (Furiaaaaa!), des riffs de mammouths, de l'electro, et une certaine positive attitude, Mass Hysteria envoyait du lourd, du très lourd, et l'avenir s'annonçait radieux, personne n'imaginait que le groupe pouvait se vautrer... et c'est pourtant ce qui s'est passé...
Deux ans plus tard, Mass entamait une nouvelle décennie en faisant de la merde avec l'horrible De cercle en cercle et son côté ambiant mou du genou, se permettant même d'inviter les rappeurs de La Brigade, un échec presque complet que viendra compléter le lamentable Mass Hysteria en 2005, qui voyait le groupe tomber dans le pop/rock à deux balles, c'en était fait, pour beaucoup, le groupe était mort, définitivement.
Puis en 2007, dans l'indifférence désormais, MH sortait Une somme de détails, et faisait enfin un pas dans la bonne direction, un disque brouillon qui renouait avec les sonorités des débuts, le groupe retrouvait une certaine hargne, et ce regain de forme se confirmera par la suite avec Failles, qui fut une bonne mandale dans la gueule, presque inespérée, puissant, diversifié, enfin Mass Hysteria était de retour, et il faut bien l'avouer, redonnait à ses fans ce qu'ils voulaient entendre.
Trois ans plus tard, après un bon paquet de dates à travers la France (c'est pas compliqué, ils sont partout, de mémoire j'ai dû les voir 6 fois depuis deux ans, bizarrement sans jamais avoir payé une place spécialement pour eux...), il était temps de donner un successeur à Failles, voici donc L'armée des ombres, qui est tout pareil que Failles mais assez différent, enfin... un peu, c'est compliqué, je vais vous expliquer...

"C'est insensé! Mais nous devons avancer!"
Ça aura pris deux albums, mais Mass Hysteria a enfin retenu la règle d'or dans le Metal, quand t'as une formule qui marche, on ne la change jamais! ou du moins pas totalement, tu veux expérimenter, pas de problème, mais seulement par petites touches, sans jamais toucher au coeur de ta musique, Paradise Lost l'a prouvé, quand tu changes complètement de style, tu perds une bonne partie de tes fans qui gueuleront à la trahison, et tu n'en gagneras pas de nouveaux dans le public mainstream car ce sera toujours marqué Metal au fer rouge sur ta gueule, après ce genre d'échec, les solutions sont restreintes, soit tu jettes l'éponge, soit tu fais marche arrière, mais c'est pas si simple que ça, et ça ne se fait pas en un claquement de doigts, chez Mass Hysteria, ça a pris un album de transition pour retrouver le chemin de la maison, le temps de remettre la machine sur de bons rails.
Failles était donc une putain de réussite, et c'était pas gagné, car c'est bien joli de vouloir jouer la carte retour aux sources, encore faut-il retrouver l'envie, la rage, un paquet de groupes se sont vautrés en nous faisant ce coup-là en prenant les fans pour des cons... (prends-ça Merdallica!)
Bref Mass Hysteria avait réussi ce coup-là, et c'est donc sans surprise que L'armée des Ombres va reprendre pile-poil là où Failles s'était arrêté, avec ses qualités, mais aussi toutes les limites de la formule.

"Positif à bloc!"
Mais pas vraiment en fin de compte, car l'album à beau s'ouvrir par ce titre, L'armée des Ombres, comme le suggère sa très belle pochette, est le disque le plus sombre de l'histoire du groupe, en effet, jamais Mass Hysteria n'avait sonné aussi "Metal" dans l'esprit, cet album sent le souffre, l'urgence, et va plus loin que Failles en ce qui concerne la puissance brute, car Mass envoie le pâté comme jamais auparavant.
Le trademark Mass Hysteria est bien évidemment toujours là, des riffs mastodontes, des samples en pagailles, la voix très particulière de Mouss, et une section rythmique qui tabasse sévère, d'ailleurs, pour ceux qui s’inquiétaient du départ surprise de Stéphane Jaquet (présent depuis le début), sachez que le nouveau bassiste assure grave, le son de la basse étant énorme sur l'album.
Au niveau des samples, une fois de plus, ça fourmille d'idées dans tous les sens, et c'est surtout diablement bien foutu, mais ça, c'est une habitude pour le groupe, c'est d'ailleurs ce qui m'a toujours étonné chez Mass, c'est cette capacité à intégrer complètement l’électronique à la structure même des chansons, un truc que par exemple un Rammstein n'a jamais réussi à faire correctement, ici, ça coule de source, limpide... ou plutôt étouffant, car les samples renforcent un peu plus l'impression de lourdeur et d'oppression qui se dégage de l'album, c'est loin d'être gai tout ça, surtout qu'ils ont une place un peu plus importante que sur l'album précédent.
De la même manière, Mouss, le roi de la punchline qui percute, n'a rien perdu de sa verve, avec des paroles alternant refrains courts scandés et des couplets assez énigmatiques, les paroles étant remplies de métaphores bizarres dont lui seul à le secret, preuve que l'ambiance est différente, Mouss ne gueule pas une seule fois Respect ou Furieux de tout le disque, et c'est plutôt une bonne chose. (Ouais, désolé, mais le côté festif happy indus monde des bisounours, ça a tendance à me saouler).
L'armée des ombres est à prendre comme un bloc, sans vraiment de single à proprement parler, Mass a choisi de jouer les gros méchants tout au long de l'album, presque sans temps mort, et même si ça semble parfois un peu forcé, il faut avouer que ça fonctionne par trop mal sur la durée, le disque remplit sans peine son principal objectif, à savoir vous massacrer les cervicales, et c'est bien le principal.
Avec donc beaucoup moins de positive attitude, Mass Hysteria ne se fait pas trop chier et fonce dans le tas, droit à l'essentiel, à croire qu'on arrive au paroxysme de cette fameuse recherche du temps perdu dans laquelle le groupe s'est lancé, les fans veulent du Metal? on va leur en balancer quelques tonnes dans la gueule sans autre forme de procès, une démarche certes louable, même si pas exempte de tout reproche, car à vouloir envoyer de la tartine de poutre dans la face, Mass oublie un peu de s'autoriser quelques espaces pour respirer, les passages plus atmo/planant qu'on pouvait encore trouver sur Failles ont disparu, bien sûr, chaque chanson fourmille de breaks, mais ils ne servent en fin de compte qu'à renvoyer la sauce de nouveau.
Même que MH calme le jeu, il garde quand même cette lourdeur sombre et menaçante, comme ce piano un peu lugubre sur Même si j'explose, ou encore avec Raison close et son texte très mélancolique accompagné de judicieux samples, par contre, faudra m'expliquer le pourquoi du comment de Pulsion, ok, c'est court, mais quand même, dans le genre pénible, c'est assez réussi, c'est bien simple, je la zappe toujours quand j'écoute l'album, un choix étonnant qui contraste avec le dernier titre, Vertige des mondes, qui est un peu le P4 de l'armée des ombres, une véritable déflagration punk/hardcore qui arrache, bourrin, violent, rapide, mais avec une fois de plus de bons samples et un refrain scandé qui promet de briser des nuques en Live.
Le live ouais, L'armée des ombres semble avoir été taillé pour ça, après tout, c'est l'album le plus violent du groupe, alors...
Breaks, changements de rythmes, tabassage, chaque titre est pensé pour être efficace, Positif à bloc, L'homme s'entête (désolé pour le lien, c'est un rough mix, ça sonne bien mieux que ça sur l'album), Commedia dell' Inferno, Tout doit disparaître, Sérum barbare, et bien sûr Vertige des mondes, Mass Hysteria s'offre une série de titres dans lesquels il pourra piocher à loisir pour la scène tant ils sont efficace.
Un mot quand même sur les deux bonus présents sur l'édition CD/DVD, pour une fois, on est vraiment pas dans le remplissage, ces titres apportent vraiment quelque chose de différent, et ils auraient mérité de se retrouver dans le tracklist de base, La Valse des pantins renoue un peu avec le côté planant du groupe en rappelant certains titres de Failles, alors que Soyez vous-même nous montre la facette festive/Positive attitude, comme quoi, chassez le naturel, il revient au galop en fin d'album, ça ressemble un peu aux chansons clichés blood brothers et compagnie de Manowar, ça parle d'amour, d'amitié, de ne jamais laisser tomber, les thèmes classiques de Mass Hysteria.

"Soyez vous-même! ou fuyez!"
Bref, Mass Hysteria confirme son excellente santé et son retour aux affaires avec son Armée des ombres, le disque le plus sombre de la discographie du groupe (non, je ne parle pas de "l'album noir"), le plus violent aussi, un peu comme si le groupe avait quelque chose à se prouver, qu'il pouvait dépasser Failles en terme d'intensité, de ce point de vue là, c'est réussi, on regrettera juste un certain jusqu'au-boutisme dans cette démarche, avec un groupe qui semble se forcer un  peu trop, en oubliant d'aérer un peu sa tambouille.
En résumé, c'est comme Failles, mais c'est pas pareil, surtout dans les atmosphères et les ambiances, bien plus sombres ici, avec des samples qui prennent plus de place, sans pour autant prendre le pas sur les guitares et le monstrueux son de basse, ni sur le chant de Mouss, toujours aussi énervé.
J'avoue avoir particulièrement apprécié cette orientation, plus menaçante, voir même plus Metal dans l'esprit, ça ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais même si c'est le cas, impossible de crier à la trahison comme par le passé, Mass Hysteria fait ce qu'il sait faire, et donne à son public ce qu'il veut, ce qui m'amène à un ultime point.
En effet, ce retour aux sources, certes salvateur, enferme un peu Mass Hysteria dans son style de prédilection, gros riffs-chant de Mouss-electro, le groupe ne semble plus vraiment avoir de marge de manœuvre, car en fin de compte, à chaque fois qu'ils ont essayé de faire les choses différemment, ils se sont vautrés, pour l'instant, la formule fonctionne encore à plein régime, car la rage et l'envie sont encore là, et le groupe semble avoir encore faim, l'avenir nous dira si Mass Hysteria n'est pas condamné à sortir un peu le même disque tous les deux-trois ans...
Mais pour l'instant, ça, on s'en fout, Mass Hysteria nous balance une bonne dose de Metal à la Mass, l'album est compact, souvent accrocheur, rentre-dedans, les punchlines de Mouss font mouche, l'armée des ombres te pulvérise les cervicales et fonce dans le tas, ça défoule et ça donne la pèche, je n'en demande pas plus, ça ne révolutionne rien, mais ça montre que le groupe a toujours l'envie d'en découdre...

Pour les Furieux!!!!
3 / 5