Nous vivons une bien triste époque, et si vous lisez régulièrement ce blog, vous devez déjà savoir ce que je pense du Metal moderne, ce metal aux multiples étiquettes foireuses, comme le mathcore, le metalcore, le deathcore, ou encore le crabcore émo progressif végétarien, traitez moi de vieux con si vous voulez, mais j'ai de plus en plus l'impression que le Metal est en train de couler Core et âme (je suis assez satisfait de cette formule), un metal moderne qui se fait de plus en plus déshumanisé, où il semble que maîtriser sa technique et surtout ProTools soit plus important que savoir composer de vraies chansons, où en fin de compte la technologie a pris le pas sur l'âme.
Aujourd'hui, nous allons donc parler d'un des poids lourds de ce fameux metal moderne, parait même que c'est du Djent (ne me demandez pas ce que ça veut dire, j'en sais rien), et même carrément du Metal progressif (ça, c'est Wikipedia qui le dit), bref, nous allons parler du nouvel album de Periphery, un groupe américain qui réussit l'exploit, de cumuler absolument tous les défauts du metal actuel, et par extension tous les défauts de notre époque...
Periphery, c'est donc le paradigme du Metal moderne dans toute sa splendeur et sa prétention, un mélange bancal et foutraque de tout ce qui marche en ce moment, en bouffant sans vergogne à tous les râteliers, empruntant les délires polyrythmiques syncopés de Meshuggah, les aérations planantes à la Texture, le côté décousu du Mathcore, et surtout les débilités vocales sucrées du Metalcore, le tout soutenu par une technique hors paire, car c'est bien le seul intérêt que l'on pourra trouver à ce bouzin, les types sont des monstres de technique.
Le gros problème, bien évidemment, c'est que maîtriser toutes ses influences demande un certain talent quand il s'agit de composer, ce dont se passe allègrement le groupe, car trop occuper à bosser leurs techniques individuelles et à se taper des tutorials ProTools sur le net, les gars ont tout simplement oublié de composer de vraies chansons, alors c'est bien simple, pour masquer ses défaillances criantes, le groupe se repose donc sur des artifices sonores faciles, le titre tourne en rond? pas grave, Misha Mansoor va te caler un solo qui sort de nulle part afin de faire bander les geeks, il faut un peu de prog? super, c'est le moment de balancer une grosse nappe de bidouillages électroniques et d'orchestrations, ça fera l'affaire, et surtout, car il faut plaire à tout prix, on va gaver tout ça de refrains emo pop gay qui sonnent comme du Linkin Park ou Protest the Hero, facile, très facile tout ça, après tout, pourquoi ce faire chier?
Faut quand même en parler de ce chant, car c'est quelque chose hein, c'est pas comme si le groupe se contentait d'un chant crié limite hardcore typique du genre, non, car le Spencer Sotelo, il adore le chant emo à la Protest the Hero, alors il en abuse jusqu'à l'indigestion, mais attention, ne vous attendez pas à un pré-chorus ou à ce que le refrain soit correctement intégré à la musique, c'est trop demandé, on est plus dans l'optique d'un vulgaire groupe de Metalcore US de base, qui balance ses refrains avec ses gros sabots, comme ça, à l'arrache, ça vous tombe sur le coin de la gueule sans prévenir, avec un systématisme qui fait froid dans le dos, car non seulement on est dans la pure soupe Metalcoresque, mais le monsieur ne semble même pas être capable de sortir un truc mémorisable voir même agréable, préférant la mélodie facile et factice, uniformisée, sans âme, qui ne provoque que de l'exaspération, bref, sur tout l'album, c'est exactement la même chose, ça alterne entre trucs pop emo pénibles et les habituels hurlements hardcore, sans aucun liant entre ces parties d'ailleurs, à croire que tout ça a été assemblé en studio à base de copier-coller, pour un résultat foireux et sur la longueur insupportable.
La production est d'ailleurs ce que l'on peut attendre d'un produit typique de Metal moderne, l'ensemble sonne horriblement clinique, clean, sans aucunes aspérités, conforme aux standards du Djent, en somme, encore une fois, les types maîtrisent la technologie pure et dure, sur ce point là, ok, il fallait bien ça pour rendre audible chaque couche de ce véritable mille-feuilles qu'est la musique du groupe, mais cette production ne met rien en valeur, renforçant l'aspect déshumanisé de la musique du combo, ce qui ne rend pas service à des titres horriblement mal composés.
Car là est bien le problème principal de Periphery, l'absence totale de véritable ligne directrice dans la composition, alors pour débiter à la chaine des kilomètres de saccades guitaristiques meshuggah-like, y'a du monde, mais quand il s'agit de composer une vraie chanson qui va te faire voyager ou te rester dans la tête, y'a plus personne, alors le groupe à recours à tout un paquet d'astuces faciles et de tics geeks foireux, qui ne font au final que renforcer l'aspect bordelique du truc, un comble quand on se veut "progressif".
Il est d'ailleurs à noter que ce bon vieux John Petrucci sert ici de caution prog, en étant invité à balancer un solo vers la fin de Erised, qui tombe comme un cheveu sur le soupe et qui ne sert qu'à dire "eh vous voyez, on fait du prog, y'a Petrucci qui joue sur notre album"...
Les passages s’enchaînent avec brutalité, sans aucune transition (là où excelle un Textures, par exemple), à croire que rien n'a été composé avant, que les titres ont été entièrement montés en studio, comme si c'était un Mac book qui avait assemblé tout ça de manière aléatoire, en rajoutant tous les bidouillages lui même à l'arrache...
Est-ce donc cela le Metal progressif en 2012? Se contenter de balancer sa technique de geek à destination des geeks? Mais dans ce cas, une question demeure, pourquoi ne pas l'assumer et sombrer dans la soupe metalcore emo pop?
Ah ben ouais, parce que faut vendre des disques bordel! et un paquet, alors on touche à tout ce qui marche en ce moment, et on pond du refrain pop à outrance comme un vulgaire groupe de crabcore, avec des compositions en forme d'impasses, où la technique prend le pas sur le feeling et sur une quelconque direction artistique, une véritable mise en abyme du Metal moderne, dans tout ce qu'il a de plus quelconque et sans âme, avec ce son si stérile et sans personnalité qui lui sied donc assez bien, bien sûr, les types sont des surdoués, mais leur technique, à défaut d'être au service de leur musique, ne sert en fin de compte qu'à prouver à d'autres geeks qu'ils sont les meilleurs...
En fin de compte, ce qui est dommage avec Periphery, c'est que le groupe est capable de pondre des plans géniaux complètement fou, et sans ce chant absolument dégueulasse, ça pourrait donner quelque chose de vraiment sympa si les gars se sortaient les doigts pour relier tout ces passages géniaux de manière correcte, ce qui n'est absolument pas le cas ici, le groupe se contentant de faire de la soupe Djent-Electro-Emo-Pop-Core racoleuse et sans âme.
On reste donc dans un produit de consommation courante typique de l'époque, rapidement assimilable, alors que le groupe est capable de beaucoup plus dans un registre différent, mais surement beaucoup moins rentable financièrement et commercialement.
Quand le groupe se lâche dans une certaine forme de violence, et bien on tombe dans du sous-Meshuggah, alors autant écouter du Meshuggah, quand le groupe se lance dans des plans de fou-furieux démonstratifs à l'extrême, on est même pas à la cheville d'un The Human Abstract, et en ce qui concerne les mélodies pop acidulées, Protest the Hero est meilleur, Periphery est le groupe qui veut toucher à tout mais n'excelle en rien, et qui tombe dans la stérilité et la vacuité...
Fourre-tout foireux moderne...
1 / 5